Relations between Congolese Tutsis of Rwandan origin and members of other ethnic groups in Kinshasa, including mixed marriages, relations in the workplace and social relations in general, from 1996 to the present [RDC32198.FE]

Au cours d'un entretien téléphonique tenu le 24 juin 1999, le président de l'Association africaine de défense des droits de l'homme (ASADHO) a fourni l'information suivante.

Les relations entre les Tutsis congolais d'origine rwandaise (Banyamulenge et autres) et les autres Congolais n'ont pas été bonnes en générale au cours de ces trois dernières années. En effet, les Tutsis congolais sont perçus par les autres Congolais comme étant les instigateurs de deux guerres qui ont lieu en RDC au cours de ces trois dernières années : celle d'octobre 1996 qui a conduit Kabila au pouvoir en mai 1997 et celle qui a commencé le 2 août 1998. Ils ont été également associés par les habitants de Kinshasa aux militaires rwandais qui, après avoir aidé le président Kabila à prendre le pouvoir, sont restés à Kinshasa et ont été perçus par la population comme des « envahisseurs ». Il faut noter également que les discours politiques des autorités contre les membres de l'ethnie tutsie ont renforcé ce climat antitutsi.

Cependant, l'ASADHO n'a observé aucun cas de mauvais traitement infligé à un membre de l'ethnie tutsie par ses collègues de travail ou par ses voisins congolais ni n'en a été informé.

Dans un message électronique parvenu à la Direction des recherches, un professeur à l'Institut d'étude du développement de l'Université Catholique de Louvain, affilié au Centre d'études africaines, qui a écrit un livre intitulé Banyarwanda et Banyamulenge : violences ethniques et gestion de l'identitaire paru dans les Cahiers africains en 1997, a signalé ce qui suit :

Depuis l'indépendance, il a existé, au niveau de l'élite, de nombreux mariages entre les Zaïrois (Congolais) et les fils et filles des (ex)réfugiés tutsi rwandais au Congo-Zaïre. Il n'existe aucune donnée sur la fréquence et le nombre de ces mariages. Pour ce qui concerne les Banyamulenge proprement dits, c'est-à-dire les tutsi congolais résidant sur les hauts plateaux de l'Itombwe au Kivu, ils avaient la réputation d'être "fier" et hautain et de ne pas se "mélanger" avec les autres ethnies. Sans doute, les stéréotypes qui existaient à leur sujet étaient liés au fait qu'ils étaient des éleveurs qui circulaient sur de longues distances et échappaient ainsi à tout contrôle des chefs coutumiers.

En ce qui concerne les Baluba de Kasaï, ceux-ci ont "essaimé" un peu partout dans les villes du Congo-Zaïre et sont souvent l'objet de méfiance de la part des autres groupes ethniques : à l'époque coloniale, les Baluba étaient souvent considérés comme "plus intelligents" et "plus évolués" que tous les autres groupes ethniques. Après l'indépendance, on les juge politiquement dangereux parce que plus scolarisés, plus "tribalistes", etc. Depuis 1982, date de la libéralisation de l'exploitation et du commerce de diamant au Zaïre, ils se sont massivement "spécialisés" dans la collecte et la commercialisation du diamant alluvionnaire qui existe en abondance chez eux (Kasaï Oriental).

Sous l'époque Mobutu, il n'y avait qu'un seul "parti" politique, le MPR.

Les tutsi congolais ou les originaires du Rwanda y occupaient souvent des positions dominantes. Qu'ils aient été des anciens réfugiés ou des "immigrés" clandestins étaient considérés légalement comme des Congolais. A partir de 1981, la situation a changé : politiquement ils sont devenus de plus en plus suspects parce que "non zaïrois authentiques", mais, protégés par Mobutu, ils ont conservé leurs fonctions et privilèges. De plus en plus, on les retrouve non plus en politique mais dans le grand commerce et les grosses entreprises.

Depuis la "libéralisation" de 1990, considérés comme non-zaïrois, ils se sont vus ostracisés par les nouvelles formations politiques et les partis qu'ils ont voulu créer (ex. le CEREA au Kivu) ont été interdits.

A ma connaissance, il n'existait pas de "traitement spécial" réservé aux Tutsi congolais dans les lieux de travail. Aujourd'hui, du fait de l' "agression" du Rwanda en République Démocratique du Congo, ils font l'objet de persécutions. Beaucoup ont fui le Congo ou se trouvent dans des camps. Officiellement, les autorités les ont placés dans ces camps pour les "protéger".

À propos des sentiments de la population de Kinshasa en général envers des Tutsis au cours de ces dernières années, on apprend dans Info-Zaïre que dès le début de la rébellion d'octobre 1996, « la colère de la population du Zaïre s'est exprimée en premier lieu contre les Zaïrois d'origine tutsie » (26 novembre 1996, 2). Au moment de l'éclatement de la rébellion actuelle, Jeune Afrique écrivait de son coté que « des Congolais qui, depuis la prise du pouvoir par l'AFDL [17 mai 1997], manifestaient une xénophobie à peine voilée à l'égard de cette « armée d'occupation », accusant le président d'avoir vendu le pays aux « Tutsis » (4-10 août 1998, 15). La même source d'information ajoutait que « c'est avec un plaisir non dissimulé que la population de la capitale [Kinshasa] a regardé partir les Rwandais qui depuis un an, menaient grand train [...]» (ibid.). Décrivant la genèse du conflit actuel en RDC, le même hebdomadaire écrivait dans sa livraison du 1er-7 septembre 1998 que « tout commence le 28 juillet lorsque le commandant James, limogé par un Laurent-Désiré Kabila sensible à l'exaspération de plus en plus nette des Kinois [habitants de Kinshasa] face à l'omniprésence des « étrangers tutsis » (16), et que « Kabila s'est séparé sans états d'âme de ses « amis » tutsis, honnis par la population » (ibid. 22-28 sept. 1998, 10).

Faisant référence à la décision prise par le président Kabila de rapatrier les militaires Rwandais qui lui avaient aidé à renverser le régime de Mobutu, L'Autre Afrique notait que « cette mesure, qui vise particulièrement les militaires rwandais, réjouit la population et on assiste, à Kinshasa, des actes xénophobes à l'égard de Rwandais ou de Banyamulenge assimilés à ceux-ci » (6 août-2 sept. 1998).

Quant aux mariages mixtes entre les autres Congolais et les Tutsis congolais, on peut lire dans la revue Afrique Contemporaine, que les membres des autres communautés congolaises ont toujours reproché aux Banyarwanda [congolais d'origine rwandaises], « leur endogamie, particulièrement respectée par les Tutsis » (oct.- déc. 1996, 25).

Les propos d'une journaliste au journal belge Le Soir et spécialiste de la région des Grands Lacs africains tenus au cours d'un entretien téléphonique le 25 juin 1999 abondent dans le même sens. Selon cette journaliste, les mariages entre les Tutsis congolais et les membres des autres ethnies sont plutôt rares. En effet, a-elle ajouté, les membres des autres ethnies reprochent surtout aux Tutsis congolais d'origine rwandaise de ne pas vouloir « s'intégrer » aux autres ethnies par le fait même qu'ils se marient presque exclusivement entre eux. Sur ce sujet, veuillez également vous référer au contenu ci-haut du message électronique du professeur à l'Université Catholique de Louvain.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais prescrits. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile ou de statut de réfugié. Veuillez trouver ci-dessous la liste des sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Références


Afrique contemporaine [Paris]. 4e trimestre 1996. Pourtier Roland. No 180. « La guerre au Kivu : un conflit multidimensionnel ».

Association africaine de défense de droits de l'homme (ASADHO). 24 juin 1999. Entretien téléphonique avec le président.

L'Autre Afrique [Paris]. 6 aout- 2 septembre 1998. No 57. « La guerre de l'Est : Kabila peut-il s'en sortir? ».

Info-Zaire [Montréal]. 26 novembre 1996. « Guerre au Sud et au Nord Kivu : réactions au Zaïre ».

Jeune Afrique [Paris]. 22- 28 septembre 1998. No 1967. Geslin J. D. « RD Congo : l'état de non-droit ».

_____. 1er- 7 septembre 1998. Soudan F. No 1964. « RD Congo : les dessous de la guerre ».

_____. 4- 10 septembre 1998. No 1960. « RD Congo : Kabila remercie les Rwandais ».

Professeur, l'Institut d'études du développement de l'Université catholique de Louvain. 30 juin 1999. Correspondance avec la Direction des recherches

Le Soir [Bruxelles]. 25 juin 1999. Entretien telephonique avec une journaliste specialiste de la region des Grands Lacs africains.

Autres sources consultées


ASADHO [Kinshasa]. Rapports et communiqués de presse. 1997 à ce jour.

Amnesty International. Rapports annuels. 1997-1999.

Human Rights Watch (HRW) [New York]. 1997-1999.

Sources électroniques : bases de données de la Direction des recherches, LEXIS/NEXIS, World News Connection (WNC), Internet.

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