Cameroon: Corruption of journalists; the falsification of newspaper articles for the purpose of refugee claims [CMR103998.FE]

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

1. Contexte général

Cité dans un article publié le 19 février 2010 par l'Agence France-Presse (AFP), le président du Syndicat des journalistes employés du Cameroun (SJEC) dit que la presse est l'un des secteurs « les plus corrompus du Cameroun » (AFP 19 févr. 2010). Au cours d'un entretien téléphonique avec la Direction des recherches le 29 février 2012, un journaliste du Quotidien Mutations de Yaoundé a affirmé que, pour faire fonctionner leurs entreprises, certains journalistes sont « prêts à tout », y compris à se faire corrompre. Selon le président du SJEC, les journalistes accepteraient de l'argent de même que des pots-de-vin pour couvrir des événements et rédiger des articles (AFP 19 févr. 2010). Parmi les sources qui s’intéressent au milieu journalistique en Afrique, on trouve la fondation Friedrich-Ebert-Stiftung (FES), une organisation politique allemande à but non lucratif qui se consacre à la promotion de questions d’intérêt public et défend les valeurs fondamentales de la social-démocratie par le biais de l'éducation, de la recherche, de même que de la coopération internationale (FES s.d.b). Le Baromètre des médias africains (African Media Barometer - AMB) est un projet mis sur pied par la fondation FES pour analyser l'environnement médiatique africain, en plus de servir d’instrument pour exercer des pressions en vue d'obtenir des réformes du secteur des médias (ibid. s.d.a). Par ailleurs, dans le Baromètre des médias africains pour le Cameroun publié en 2011, on peut lire ce qui suit :

Un nombre croissant de reporters et de journalistes pratiquent la tactique des listes noires d’investigation pour dénoncer les mauvaises conduites d’officiels publics. Ils approchent les personnes concernées et les informent des reportages d’investigation qu’ils sont sur le point de publier. Après d’âpres négociations, les reporters passent un accord avec le parti intéressé pour ‘étouffer’ l’affaire en échange d’une certaine somme d’argent (FES 2011, sect. 4.7).

Parmi les sources qu'elle a consultées, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autre information allant en ce sens.

Le journaliste du Quotidien Mutations a affirmé que la corruption touche les journalistes des secteurs privé et public, précisant toutefois que ceux du secteur public sont « mieux payés » que ceux du secteur privé (29 févr. 2012). De même, on peut lire dans le Baromètre des médias africains pour le Cameroun que la corruption est « monnaie courante au Cameroun » et que les journalistes aussi bien du secteur privé que public se feraient payer leurs déplacements pour chaque entrevue ou reportage qu’ils réalisent (FES 2011, sect. 4.7). Pour sa part, Global Integrity, organisme qui offre de l'expertise aux secteurs public et privé dans la lutte contre la corruption (Global Integrity s.d.), affirme que la corruption touche également les médias publics, dont les reporters demanderaient [traduction] « sans scrupule » aux organisateurs d'événements de prendre en charge leurs frais de transport avant de rédiger leurs articles (Global Integrity 2010).

2. Facteurs à l’origine de la corruption des journalistes

Le journaliste du Quotidien Mutations explique la banalisation de la corruption qui touche les journalistes par la précarité de leurs conditions de vie (29 févr. 2012). De même, le Baromètre des médias africains pour le Cameroun précise que les conditions de travail des journalistes « sont précaires, caractérisées par un manque d'équipement, de moyens de transport, d'assurance médicale et d'espace de travail » (FES 2011, sect. 4.8). D'après le journaliste du Quotidien Mutations, la corruption « permet aux journalistes mal rémunérés de faire face aux difficultés de vie » (29 févr. 2012).

Un article publié par le site Mboa.info cite certains des résultats d'un sondage sur les conditions sociales des journalistes camerounais, résultats présentés en novembre 2011 par le Syndicat national des journalistes du Cameroun (SNJC) :

46 % des hommes des médias travaillent sans contrat de travail; 52 % des journalistes exercent une activité secondaire et le salaire mensuel moyen du journaliste se chiffre à 101 225 [franc CFA (XAF), environ 201 $ CAN (XE 12 mars 2012)]. Sur le plan sanitaire, seuls 6 % des journalistes camerounais bénéficient d'une assurance santé. Côté logement, l'enquête révèle que 91 % des journalistes camerounais sont des locataires simples occupant le logement depuis plus de trois ans. Elle indique aussi que 45 % des journalistes camerounais ont l'intention de quitter le métier (Mboa.info 8 nov. 2011).

Par ailleurs, un sondage réalisé en septembre 2009 par le SJEC a révélé qu'environ « 58 % de journalistes perçoivent un salaire mensuel supérieur à 50 000 [XAF, environ 100 $ CAN (XE 21 févr. 2012)] […] alors que 32 % sont payés en deçà de ce montant » (AFP 19 févr. 2010), lequel montant ne correspond pas au salaire minimum, soit d'environ 115 840 XAF, fixé par la convention collective des « journalistes et métiers connexes » (Africa info 3 mai 2010). Les auteurs du sondage du SJEC affirment que « "le salaire est régulièrement payé pour 42 % des sondés, surtout dans les médias publics […] [et] que les journalistes du [secteur] privé accusent "dans la plupart des cas des arriérés (de salaires) de deux à dix mois" » (AFP 19 févr. 2010).

3. Articles falsifiés à des fins de demande d'asile

Deux sources consultées par la Direction des recherches affirment être au courant des cas de journalistes camerounais qui ont falsifié des articles de journaux dans le but d'appuyer les demandes d'asile de Camerounais à l'étranger (journaliste du Quotidien Mutations 29 févr. 2012; lournaliste du Journal du Cameroun 30 janv. 2012). De même, Global Integrity souligne qu'il se pratique au Cameroun un [traduction] « faux journalisme » qui consiste à venir en aide aux demandeurs d'asile camerounais à l'étranger (2010). Ainsi, des rédacteurs en chef de journaux se feraient corrompre par les proches de demandeurs d'asile pour publier des articles [traduction] « normalement » inacceptables selon les normes de base du journalisme, telles que des articles sur la [traduction] « "persécution" d’activistes, [qui] incluent le nom indiqué par la personne qui donne le pot-de-vin » (Global Integrity 2010). Global Integrity soutient que des demandeurs d'asile présenteraient de faux reportages comme preuves à l'appui de leur demande d'asile politique (ibid.). Ces [traduction] « "activistes" » seraient souvent décrits comme étant des membres du Conseil national du Sud Cameroun (Southern Cameroons National Council - SCNC), un groupe qui milite de manière non violente pour que le Sud du Cameroun, la région de la minorité d'expression anglophone du pays, redevienne indépendant (ibid.).

À titre d'exemple de [traduction] « persécution » d'activistes du SCNC par les autorités camerounaises, Global Integrity cite, entre autres, un article publié le 23 avril 2010 par le quotidien de Buea The Cameroon Express, dans lequel on peut lire ce qui suit :

[traduction]

On rapporte que le régime de Yaoundé dirigé par M. Biya continue de violer systématiquement les droits fondamentaux des Camerounais… William Diony a été arrêté récemment à Kumba au motif que son fils, Mayer Diony, qui a fui le pays, est un activiste du SCNC. En avril 2002, il était arrêté sur instruction du ministère de la Sécurité intérieure et détenu avec d'autres membres qui ont participé à une manifestation publique. Les membres de la famille de quelques activistes du SCNC qui se sont exilés à l'étranger ont dit au reporter qu'ils étaient victimes de mauvais traitements et de brutalités aux mains des forces de sécurité (ibid.).

Selon Global Integrity, cet article ne porte pas de signature et attribue la [traduction] « persécution » à « un "ministère de la Sécurité intérieure" qui n’existe même pas au Cameroun. De plus, de tout temps, les proches de manifestants n’auraient jamais fait l'objet d'incrimination dans ce genre de manifestations au pays » (ibid.).

Global Integrity souligne par ailleurs que les auteurs de ces articles concernant des demandeurs d'asile n’ont pas de formation et sont propriétaires de petits journaux dans lesquels ils publient des articles moyennant des frais (ibid.). Selon le journaliste du Journal du Cameroun, les journaux qui se livreraient à cette pratique sont des journaux qui paraissent sporadiquement (30 janv. 2012). Il ajoute que cela arrive couramment et que ce « n'est pas vraiment perçu comme de la corruption » (journaliste du Journal du Cameroun 30 janv. 2012). De son côté, le journaliste du Quotidien Mutations affirme que cette pratique serait « rare » et concernerait particulièrement des journaux « privés et pauvres » (29 févr. 2012).

D'après Global Integrity,

[traduction] on utilise des poursuites en diffamation pour incriminer les journalistes qui commettent des erreurs, mais, étonnamment, pas ceux qui publient des articles concernant des demandeurs d'asile les procureurs concentrant leurs recherches sur ceux qui critiquent les fonctionnaires du gouvernement et les barons du pouvoir (2010). D'après le journaliste du Quotidien Mutations, l'État ne se préoccupe pas de ces affaires d’articles frauduleux, d'autant plus que personne ne porte plainte contre ce genre de journaux (29 févr. 2012).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Références

Africa info. 3 mai 2010. Norbert Tchana Nganté. « Cameroun : liberté de la presse, le travailleur des médias en danger ». [Date de consultation : 29 févr. 2012]

Agence France-Presse (AFP). 19 février 2010. « Cameroun : un tiers des journalistes payés moins de 76 euros par mois (enquête) ». [Date de consultation : 31 janv. 2012]

Friedrich-Ebert-Stiftung (FES). 2011. Le Baromètre des médias africains : Cameroun 2011. [Date de consultation : 20 févr. 2012]

_____. S.d.a. « The African Media Barometer (AMB) ». [Date de consultation : 17 févr. 2012]

_____. S.d.b. « About Friedrich-Ebert-Stiftung/FES ». [Date de consultation : 17 févr. 2012]

Global Integrity. 2010. « Cameroon Notebook: Fake Journalism at Home Helps Cameroonian Asylum-Seekers Abroad ». Asong Ndifor. Global Integrity Report. [Date de consultation : 27 janv. 2012]

_____. S.d. « Our Approach ». [Date de consultation : 17 févr. 2012]

Journaliste du Journal du Cameroun [Yaoundé]. 30 janvier 2012. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Journaliste du Quotidien Mutations [Yaoundé]. 29 février 2012. Entretien téléphonique avec la Direction des recherches.

Mboa.info 8 novembre 2011. William Tchango. « Médias : une enquête qui "ridiculise" les journalistes camerounais ». [Date de consultation : 31 janv. 2012]

XE. 21 février 2012. « Currency Converter Widget ». [Date de consultation : 21 févr. 2012]

_____. 12 mars 2012. « Currency Converter Widget ». [Date de consultation : 12 mars 2012]

Autres sources consultées

Sources orales : Les tentatives faites pour joindre des représentants des organisations suivantes ont été infructueuses : Africa info, Cameroon Postline, Cameroun Online, École supérieure des sciences et techniques de l'information et de la communication, Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Le Messager, Quotidien Le Jour, The Star et The Vanguard. Les organisations suivantes n'ont pas fourni d'information : Cameroon Radio Television, Haut-commissariat du Canada à Yaoundé.

Sites Internet, y compris : Africa Presse.com, Afrik.com, Afrol News, AllAfrica.com, Amnesty International, Camer.be, Cameroon-Info.net, Cameroon Radio Television, Cameroon Tribune, Cameroun Online, Camnews24, Committee to Protect Journalists, États-Unis — Department of State, ExcelAfrica, Grio.com, The Herald, Internet Center for Corruption Research, Irondel, Jeune Afrique, Mémoire Online, La Nouvelle Expression, Panapress, Reporters sans frontières, Tolerance.ca, Transparency International, U4 Anti-Corruption Resource Centre, Université de Yaoundé.

Associated documents