Côte d’Ivoire: Domestic violence, including legislation, state protection and available support services (2012–December 2015) [CIV105345.FE]

Côte d’Ivoire : information sur la violence conjugale, y compris sur les lois, la protection offerte par l’État et les services de soutien (2012-décembre 2015)

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

1. Contexte

Les Country Reports on Human Rights Practices for 2014, publiés par le Département d'État des États-Unis, signalent que la violence conjugale est « un problème grave et généralisé » en Côte d'Ivoire (É.-U. 25 juin 2015, 17). Dans un rapport qu'elle a présenté en 2013 devant le Comité des droits de l'homme des Nations Unies, la Côte d'Ivoire a noté que « les violences conjugales [étaient] les plus fréquentes » des violences envers les femmes (Côte d'Ivoire 21 mai 2013, paragr. 131). Radio France internationale (RFI) cite un représentant d'ONU Femmes ayant déclaré que, lors de rencontres avec des femmes ivoiriennes victimes de violence, son organisation avait constaté que la violence conjugale était la forme de violence dont la fréquence était « la plus élevée » parmi celles auxquelles les femmes faisaient face (RFI 11 nov. 2015).

L'Enquête démographique et de santé et à indicateurs multiples (EDS-MICS) 2011-2012 [1], effectuée conjointement par le ministère de la Santé et de la Lutte contre le sida et l'Institut national de la statistique de la Côte d'Ivoire, révèle que, dans les 12 mois ayant précédé le sondage, 31 p. 100 des répondantes âgées de 15 à 49 ans et ayant un mari ou un partenaire ont subi une forme ou une autre de violence conjugale, selon la répartition suivante : 25 p. 100 ont subi de la violence physique, 18 p. 100 de la violence émotionnelle et 5 p. 100 de la violence sexuelle (Côte d'Ivoire juin 2013, ii, 352). Des sources de 2015 notent toutefois qu'il n'existe pas de données nationales sur la fréquence de la violence conjugale en Côte d'Ivoire (AFJCI 30 nov. 2015; LIDHO 3 déc. 2015). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un représentant de la Ligue ivoirienne des droits de l'homme (LIDHO), une ONG créée en 1987 qui se consacre à la promotion et à la défense des droits de la personne et de la démocratie en Côte d'Ivoire (LIDHO s.d.), a expliqué que les données disponibles étaient « parcellaires » et qu'elles manquaient de fiabilité, faute « [d']enquête d'envergure nationale » portant précisément sur la violence conjugale (ibid. 3 déc. 2015).

L'Association des femmes juristes de Côte d'Ivoire (AFJCI), une ONG [créée en 1984 (AFJCI s.d.a)] qui vise, entre autres, à promouvoir les droits de la femme, de la famille et de l'enfant (AFJCI s.d.b), a recensé, à travers les six cliniques d'aide juridique qu'elle dirige dans diverses régions de la Côte d'Ivoire, les cas de violence fondée sur le genre qui ont été portés à sa connaissance entre mai et juillet 2015 (AFJCI 2 déc. 2015). Sur les 1 021 cas de violence recensés, dont ont été victimes des hommes, des femmes et des mineurs, 457 cas avaient pour victimes des femmes adultes, et 138 de ces cas avaient trait à de la violence conjugale ou familiale [soit 30 p. 100 des cas de violence envers des femmes] (ibid. s.d.c). Le représentant de la LIDHO a signalé que, de 2012 à 2015, son organisation avait été saisie de quatre cas de « femmes mariées de force […] qui [ont été] battues par leurs conjoints pour cause d'insoumission » et de sept cas « concern[a]nt des conjoints enclins à l'alcool et qui ont [eu] recours à la violence en état d'ébriété » (LIDHO 2 déc. 2015).

L'Enquête EDS-MICS 2011-2012 révèle que 48 p. 100 des femmes ont répondu que, dans certaines circonstances, il était justifié qu'un mari batte sa femme (Côte d'Ivoire juin 2013, 312). Le représentant de la LIDHO a déclaré « [qu'o]n trouv[ait] généralement normal qu’un homme ait recours à la violence à l’égard de sa femme si elle lui manqu[ait] de respect » (LIDHO 2 déc. 2015). Le représentant d'ONU Femmes cité par RFI a noté que toutes les formes de violence envers les femmes, y compris la violence conjugale, étaient « souvent passées sous silence » (RFI 11 nov. 2015). De même, des sources notent que la violence conjugale est « peu » signalée (AFJCI 30 nov. 2015) ou « rarement » signalée (É.-U. 25 juin 2015, 17). Selon les Country Reports 2014, « [d]e nombreuses familles de victimes [de violence conjugale] auraient exhorté les victimes à retirer les plaintes et à rester avec un conjoint violent[,] par crainte de […] stigmatisation sociale » (ibid.).

2. Lois

Au cours d'un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, la secrétaire générale de l'AFJCI a déclaré qu'il n'existait « pas de loi spécifique sur les violences conjugales » dans la législation ivoirienne (AFJCI 30 nov. 2015). De même, dans son rapport présenté en 2013 devant le Comité des droits de l'homme des Nations Unies, la Côte d'Ivoire reconnaît « [qu']aucun texte spécifique ne sanctionne la violence familiale » et note qu'il s'agit d'une « lacun[e] » du droit ivoirien en matière de protection des femmes contre la violence (Côte d'Ivoire 21 mai 2013, paragr. 164). La même source signale que « [l]es seules dispositions pouvant être invoquées [en matière de violence conjugale] sont les dispositions générales contenues dans le Code pénal relatives aux coups et blessures » (ibid., paragr. 131). Le représentant de la LIDHO a toutefois ajouté que les dispositions du Code pénal portant sur les menaces de violence ou de mort et le meurtre pouvaient aussi être invoquées en matière de violence conjugale (LIDHO 2 déc. 2015), tandis que la secrétaire générale de l'AFJCI a précisé que les violences conjugales étaient également réprimées en vertu de l'article du Code pénal portant sur le viol (AFJCI 30 nov. 2015). Des sources signalent qu'il n'existe pas de dispositions dans la loi contre le viol conjugal en particulier (É.-U. 25 juin 2015, 16-17; Freedom House 28 janv. 2015). Le Comité des droits de l'homme des Nations Unies, dans ses observations finales sur le premier rapport de la Côte d'Ivoire en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, se dit préoccupé du fait que « l'article 354 [du Code pénal de la Côte d'Ivoire] qui punit le viol ne prévoit pas le viol conjugal » (28 avr. 2015, paragr. 13). L'article 354 du Code pénal s'énonce comme suit :

Le viol est puni de l'emprisonnement de cinq à vingt ans;

La peine est celle de l'emprisonnement à vie si l'auteur :

  1. est aidé dans son crime par une ou plusieurs personnes;
  2. est le père, un ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime, s'il est chargé de son éducation, de sa formation intellectuelle ou professionnelle.

La peine est également celle de l'emprisonnement à vie si la victime est mineure de quinze ans (Côte d'Ivoire 1981, art. 354).

Dans un module de formation sur le mariage et le divorce créé en 2013 par une avocate affiliée à l'AFJCI, il est écrit que la violence envers un époux ou une épouse, sous toutes ses formes, constitue un motif d'ordre juridique permettant à une personne d'obtenir « le divorce pour faute », qui ne requiert pas le consentement mutuel des époux (AFJCI 2013, 19-21). De même, dans le rapport présenté par le gouvernement de la Côte d'Ivoire au Comité des droits de l'homme des Nations Unies, on peut lire que « [l]e divorce pour cause de faute est prononcé dans les cas […] d'excès, de sévices ou d'injure grave de l'un envers l'autre » (Côte d'Ivoire 21 mai 2013, paragr. 139). Le module de formation de l'AFJCI explique « [qu'u]ne seule faute suffit si elle est suffisamment grave » et « [qu'i]l appartient toujours à celui qui demande le divorce de prouver la faute de l'autre » (AFJCI 2013, 20). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

3. Protection offerte par l'État
3.1 Police

Les Country Reports 2014 signalent qu'au cours de l'année 2014, « [l]a police a souvent ignoré les femmes qui ont signalé des cas de viol ou de violence familiale » (É.-U. 25 juin 2015, 17). De même, le représentant de la LIDHO a déclaré ce qui suit :

les autorités policières ont tendance à ne pas admettre certaines plaintes[,] estimant que la victime a mérité le traitement [qu'elle a] subi de la part de son conjoint. Ainsi, les plaintes pour viol du fait du conjoint ne sont pas généralement prises en compte par les autorités policières (LIDHO 2 déc. 2015).

Selon la secrétaire générale de l'AFJCI, la police a tendance à demander aux victimes de violence conjugale « de régler cela en famille » (AFJCI 30 nov. 2015).

3.2 Poursuites judiciaires

RFI signale que des poursuites judiciaires sont « rarement » intentées à l'endroit des auteurs de violence contre des femmes en Côte d'Ivoire, y compris en ce qui a trait aux actes de violence conjugale (11 nov. 2015). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

D'après Freedom House, la loi prévoit [traduction] « des normes élevées en matière de preuve pour que des poursuites soient intentées en matière de violence conjugale » (Freedom House 28 janv. 2015). Par exemple, des sources signalent l'obligation pour la victime de fournir un certificat médical (ibid.; AFJCI 30 nov. 2015; LIDHO 2 déc. 2015). Selon des sources, ce certificat, au coût d'environ 50 000 francs CFA [environ 110 $CAN], est onéreux (ibid.; AFJCI 30 nov. 2015).

4. Services de soutien

Des sources ont signalé qu'il n'existait pas en Côte d'Ivoire de centres d'hébergement pour les victimes de violence conjugale (LIDHO 2 déc. 2015; AFJCI 30 nov. 2015). Le représentant de la LIDHO a précisé « [qu'i]l exist[ait] plutôt des cellules d'écoute et d'assistance » (LIDHO 2 déc. 2015). La secrétaire générale de l'AFJCI a signalé que le ministère de la Solidarité, de la Famille, de la Femme et de l'Enfant (MSFFE) tenait une « ligne verte », c'est-à-dire une ligne téléphonique d'assistance, pour toutes les victimes de violence (AFJCI 30 nov. 2015). Toutefois, selon cette même source, ce dispositif ne serait « pas très connu » (ibid.).

La secrétaire générale de l'AFJCI a signalé que les victimes de violence conjugale pouvaient également bénéficier d'une « prise en charge psychologique et psychosociale gratuite » offerte par des travailleurs sociaux du MSFFE (ibid.). De même, dans les Country Reports 2014, on peut lire ce qui suit :

Le [MSFFE] a fourni [en 2014] une assistance aux victimes de violence familiale et de viol, notamment le soutien psychologique dans des centres gérés par le gouvernement. Le Comité national de lutte contre la violence envers les femmes et les enfants suivait les situations de violence et faisait des annonces radiophoniques hebdomadaires au sujet de l'assistance téléphonique pour les victimes (É.-U. 25 juin 2015, 17).

Toutefois, selon le représentant de la LIDHO, les mécanismes de prise en charge de l'État en matière de violence conjugale ne sont pas « suffisants » (LIDHO 2 déc. 2015). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

Concernant les ONG, plus précisément, la secrétaire générale a signalé que l'AFJCI intervenait auprès des victimes de violence conjugale dans le cadre de ses cliniques d'aide juridique, afin d'expliquer, entre autres, la marche à suivre pour déposer une plainte (AFJCI 30 nov. 2015). Outre l'AFJCI, elle a signalé que la LIDHO, le Mouvement ivoirien des droits humains, l'Organisation des femmes actives de Côte d'Ivoire (OFACI) et le Mouvement pour l'éducation, la santé et le développement (MESAD) offraient des services de soutien aux victimes de violence conjugale (ibid.). Le représentant de la LIDHO a précisé que son organisation offrait des services d'aide juridique aux femmes victimes de violence conjugale (LIDHO 2 déc. 2015).

Selon le représentant de la LIDHO, le soutien des ONG aux victimes de violence conjugale « n'est pas adéquat [faute de] moyens financiers suffisants » (ibid.). La secrétaire de l'AFJCI a signalé « [qu'e]n général, les ONG n['étaient] pas autonomes financièrement » et qu'elles étaient subventionnées par des donateurs internationaux (AFJCI 30 nov. 2015). Elle a ajouté que l'AFJCI, par exemple, ne recevait « aucun financement de l'État » (ibid.).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Note

[1] L'enquête, menée de décembre 2011 à mai 2012, a porté sur « [u]n échantillon national de 10 413 ménages […] sélectionné […] de façon à fournir une représentation adéquate » (Côte d'Ivoire juin 2013, 7).

Références

Association des femmes juristes de Côte d'Ivoire (AFJCI). 2 décembre 2015. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par la secrétaire générale.

_____. 30 novembre 2015. Entretien téléphonique avec la secrétaire générale.

_____. 2013. Anne Bera-Dasse. Formation sur le mariage et le divorce. [Date de consultation : 2 déc. 2015]

_____. S.d.a. « Présentation ». [Date de consultation : 9 déc. 2015]

_____. S.d.b. « Objectifs et missions ». [Date de consultation : 9 déc. 2015]

_____. S.d.c. Cas des violences basées sur le genre sur les cliniques juridiques. Envoyé à la Direction des recherches par la secrétaire générale, 2 décembre 2015.

Côte d'Ivoire. Juin 2013. Ministère de la Santé et de la Lutte contre le sida et Institut national de la statistique. Enquête démographique et de santé et à indicateurs multiples (EDS-MICS) 2011-2012. [Date de consultation : 26 nov. 2015]

_____. 21 mai 2013. Examen des rapports présentés par les États parties en application de l'article 40 du Pacte. Rapports initiaux des États parties attendus en juin 1993 : Côte d'Ivoire. (CCPR/C/CIV/1) [Date de consultation : 26 nov. 2015]

_____ . 1981 (modifié en 1995). Code pénal. [Date de consultation : 1er déc. 2015]

États-Unis (É.-U.). 25 juin 2015. Department of State. « Rapport 2014 sur les droits de l'homme  en Côte d'Ivoire ». Country Reports on Human Rights Practices for 2014. [Date de consultation : 26 nov. 2015]

Freedom House. 28 janvier 2015. « Côte d'Ivoire ». Freedom in the World 2015. [Date de consultation : 22 oct. 2015]

Ligue ivoirienne des droits de l'homme (LIDHO). 3 décembre. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par un représentant.

_____. 2 décembre 2015. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par un représentant.

_____. S.d. « Historique ». [Date de consultation : 2 déc. 2015]

Nations Unies. 28 avril 2015. Comité des droits de l'homme. Observations finales concernant le rapport initial de la Côte d'Ivoire. (CCPR/C/CIV/CO/1) [Date de consultation : 26 nov. 2015]

Radio France internationale (RFI). 11 novembre 2015. « Violences faites aux femmes : L'ONU Femmes brise le silence à Abidjan ». [Date de consultation : 26 nov. 2015]

Autres sources consultées

Sites Internet, y compris : Afrik.com; AllAfrica; Amnesty International; Banque mondiale; Centre féminin pour la démocratie et les droits humains en Côte d'Ivoire; Coalition ivoirienne des défenseurs des droits de l'homme; Conseil de l'Europe; Côte d'Ivoire – Commission nationale des droits de l'homme de Côte d'Ivoire, ministère de la Justice, des Droits de l'homme et des Libertés publiques, ministère de la Solidarité, de la Famille, de la Femme et de l'Enfant, Portail officiel du gouvernement de Côte d'Ivoire; ecoi.net; Factiva; Hot Peach Pages; Human Rights Watch; IRIN; Nations Unies – Fonds des Nations Unies pour la population, ONU Femmes, Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire, Refworld, ReliefWeb.

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