Document #1235100
IRB – Immigration and Refugee Board of Canada (Author)
Contexte
Au Nigéria, les mariages sont
régis par trois systèmes juridiques : la loi
islamique (école de pensée malékite), les
droits civil (lois) et coutumier (lois tribales et traditionnelles)
(centre pour les droits reproductifs 2003, 83; Danemark janv. 2005,
68). En général, dans le Nord, les mariages sont
contractés en vertu de la loi islamique alors que, dans le
Sud, ils sont célébrés sous le régime
du droit civil (ibid.). Toutefois, même si les
couples se marient conformément au droit civil, le droit
coutumier prévaut généralement pour les
questions d'ordre personnelle (Danemark janv. 2005, 68).
Une publication de 2003 sur la charia et les droits de la personne au Nigéria a souligné que le droit coutumier a [traduction] « encouragé » certaines habitudes culturelles à l'égard du mariage des enfants, ou mariage forcé, au Nigéria (Ladan 2003, 69). Parmi les motifs avancés pour appuyer cette habitude culturelle, on trouve [traduction] « la diminution de la promiscuité, l'intégration sociale et le bien-être, et une bénédiction au sens religieux du terme » (Bamgbose juill. 2002, 4). Dans la majorité des systèmes de droit coutumier nigérien, il n'y a pas d'âge minimum pour se marier (WARDC et WACOL 2003, 69). Au Nigéria, environ 37 p. 100 des filles âgées entre 15 et 19 ans sont forcées de se marier (BBC 7 sept. 2002).
Les maris potentiels sont choisis en fonction de critères sociaux, religieux et financiers; l'âge ne fait pas partie de ces critères (Bamgbose juill. 2002, 4). En conséquence, l'époux est souvent plus âgé que l'épouse (ibid.). Une étude menée par le Population Council a révélé qu'au Nigéria, les maris des [traduction] « épouses-enfants » avaient en moyenne 12 ans de plus que leur conjointe; cette moyenne passe à 18 ans dans le cas des mariages polygames (Population Council 21 déc. 2005).
Les mariages forcés avec des enfants ont encore lieu au Nigéria, en particulier dans les États du Nord du pays (Bamgbose juill. 2002, 4). Selon The State of the World's Children 2006 publié par le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), les femmes vivant dans la campagne étaient deux fois plus nombreuses comparativement aux femmes vivant en ville à s'être mariées avant d'avoir 18 ans (Nations Unies 2006, 130). Dans le Nord-Ouest et le Nord-Est, les femmes se marient en moyenne avant l'âge de 15 ans (Nigéria avr. 2004, 87).
Pour les filles, le mariage à un jeune âge entraîne toutes les conséquences négatives suivantes : veuvage hâtif, propagation du VIH et du sida, prostitution, problèmes familiaux, problèmes médicaux et suicide (Bamgbose juill. 2002, 4-5). La fistule vésico-vaginale (FVV) est un problème de santé [traduction] « particulièrement fréquent » dans le Nord du Nigéria et associé au mariage en jeune âge ou au mariage forcé (HBF 11 déc. 2005; FORWARD s.d.). La FVV se caractérise par la [traduction] « mort des tissus de la paroi vaginale communiquant avec la vessie [...] ou le rectum » et provoque souvent l'incontinence urinaire et/ou fécale et, dans certains cas, la paralysie de la moitié inférieure du corps (FORWARD s.d.).
Le mariage forcé chez les Haoussas-Fulanis
Les groupes ethniques des Haoussas et des
Fulanis sont à majorité musulmans
(Encyclopédie de l'Agora s.d). Ils vivent dans le
Nord (ibid.; Encyclopedia of the Third World
1992, 1435; Country Reports 2004 28 févr. 2005,
sect. 2.c) et dans certaines parties de la ceinture centrale
(Middle Belt) du Nigéria (ibid.). Les Haoussas et
les Fulanis représentent entre 40 et 45 p. 100 de la
population totale du pays (Encyclopédie de l'Agora
s.d.).
Selon BAOBAB pour les droits des femmes (BAOBAB for Women's Human Rights), cité par le service d'immigration du Danemark (Danish Immigration Service - DIS), des cas de jeunes femmes fuyant des mariages forcés ont été signalés dans le Sud et le Nord du Nigéria (DIS janv. 2005, 27). Toutefois, les mariages forcés sont plus courants dans les États à majorité musulmane du Nord (ibid., 27; WACOL 13 déc. 2005; HBF 11 déc. 2005), y compris l'Adamawa, le Bauchi, le Bornole Gombe, le Jigawa, le Kano, le Katsina, le Kebbi, le Nasarawa, le Niger, le Sokoto, l'Yobe et leZamfara (CSIS mars 2002), en particulier chez les Haoussas (WACOL 13 déc. 2005; Bamgbose juill. 2002, 4). Dans une communication écrite en date du 13 décembre 2005, la directrice exécutive du collectif d'aide aux femmes a également affirmé que les mariages forcés ou arrangés étaient [traduction] « courants chez les musulmans (chez le groupe ethnique des Haoussas) dans le Nord du Nigéria et [...] ils sont encore très répandus dans cette partie du pays » (13 déc. 2005).
Conformément à la charia, une famille ne peut accorder la main de sa fille en mariage si celle-ci n'est pas d'accord, sauf si elle est mineure (WACOL 2003, 251). Toutefois, selon l'école de pensée malékite, qui a cours dans le Nord du Nigéria (Danemark janv. 2005, 68), le choix d'un époux par une femme musulmane est sujet à l'ijbar, c'est-à-dire au droit de son père ou de son tuteur de renverser sa décision (Doi s.d.). L'ijbar permet au père, ou au tuteur, de choisir un mari pour sa fille en fonction des [traduction] « intérêts [... ]» de la jeune fillle (ibid.). Toutefois, une source a indiqué que [traduction] « les mariages forcés [...] contractés pour des considérations financières ou autres ne sont pas rares dans la société haoussa contemporaine » (Ladan 2003, 69).
La daurin aure, pratique selon laquelle la fille continue d'aller à l'école pendant plusieurs années avant que le mariage ne soit consommé, est courante dans le Nord du Nigéria (ibid., 69). Cependant, chez les Haoussas, le mariage forcé ne concerne généralement que les filles qui ne sont pas allées à l'école ou qui ne sont pas encore pubères (ibid., 70).
Le mariage forcé chez les Igbos
Les Igbos, également appelés
« Ibos » (Encyclopedia of the Third World
1992, 1435; Encyclopédie de l'Agora s.d.), vivent
dans le Sud-Est du Nigéria (ibid.; Country
Reports 2004 28 févr. 2005, sect. 5) et
représentent entre 10 et 15 p. 100 de la population totale
du pays (Encyclopédie de l'Agora s.d.). Les Igbos
sont majoritairement chrétiens (Encyclopedia of the
Third World 1992, 1436).
Selon la directrice exécutive du WACOL, même si on signale encore des cas de mariage précoce dans certaines communautés igbos, la pratique du mariage forcé s'est [traduction] « éteinte » chez les Igbos (ibid. 13 déc. 2005). Toutefois, la directrice exécutive a également affirmé que
[traduction]
la grossesse à l'adolescence est mal vue et, dans la majorité des cas, les familles des mères adolescentes forcent leurs filles à se marier pour éviter la honte associée à la maternité hors des liens du mariage (ibid.).
Dans une communication écrite de décembre 2005, le directeur du bureau nigérian de la fondation Heinrich Böll (Heinrich Böll Foundation) a mentionné que
[traduction]
[c]omme partout au Nigéria, dans la société igbo, les familles jouent effectivement un rôle important dans le choix (ou du moins dans l'approbation) de l'époux. Influence et pression varient grandement d'un cas à l'autre et je ne doute pas qu'il existe des cas où il s'agit de « mariages forcés » (dépends de la définition adoptée). En général, je crois qu'il est rare dans la société igbo d'aujourd'hui qu'une fille soit « promise » en mariage à un homme plus vieux et qu'elle soit effectivement forcée de l'épouser lorsqu'elle aura atteint l'âge de la puberté. Or, une telle chose pourrait quand même se produire [...] [Toutefois,] les mariages forcés sont vraiment considérés [...] comme constituant un problème, en particulier dans le Nord (musulman) du Nigéria et dans une moindre mesure chez les chrétiens parlant l'igbo dans le Sud-Est du Nigéria (HBF 11 déc. 2005).
Le mariage forcé chez les Yoroubas
Les Yoroubas vivent dans le Sud-Ouest du
Nigéria (Country Reports 2004 28 févr. 2005,
sect. 5; Encyclopédie de l'Agora s.d.) et
représentent entre 20 et 25 p. 100 de la population du pays
(ibid.). La population yorouba est en partie musulmane et
en partie chrétienne (Encyclopedia of the Third
World 1992, 1436).
Selon une source, la [traduction] « grande majorité des Yoroubas ne célèbrent plus de mariages arrangés [...] [et] la majorité des mariages reposent sur le choix des personnes concernées » (ASI août 1999). Aucune autre information précise concernant le mariage forcé chez les Yoroubas n'a pu être trouvée parmi les sources consultées par la Direction des recherches.
Conséquences pour une femme ou une mineure qui s'oppose à un mariage forcé
Selon un rapport de 2005 d'Amnesty
International (AI), une Nigériane qui tente de fuir son mari
ou sa famille encourt une [traduction] « punition
sévère », par exemple le [traduction] «
bain d'acide », où l'ancien mari ou un membre de la
famille lance de l'acide sur la femme dans le but de la mutiler ou
de la tuer (AI 31 mai 2005, 5). Le rapport d'AI mentionne en outre
que souvent, les filles qui ont fui leur mari ne peuvent pas
demander la protection de leur propre famille, qui a arrangé
le mariage (ibid.).
Un rapport de 2002 sur le respect des droits de la personne pour les femmes du Nigéria mentionne que le mariage forcé des jeunes filles est [traduction] « l'une des causes [...] de la prostitution dans le Nord du Nigéria car les jeunes filles fuient leur domicile conjugal et se réfugient dans les bordels (gidan karuwai) des centres urbains » (Ladan 2003, 70).
Conformément au droit coutumier, le prix de la fiancée, la dot, est payé à la famille de la fiancée par le futur mari (Bamgbose juill. 2002, 5; Asylum Aid mai 2003, 20). Pour qu'une femme puisse fuir le mariage et [traduction] « regagner sa liberté », la dot doit être remboursée (Bamgbose juill. 2002, 5). Sinon, le mariage est encore considéré valide et tout enfant auquel la femme donne naissance est considéré comme l'enfant de son ancien mari (ibid.).
Aucune autre information sur les conséquences auxquelles s'expose une femme ou une mineure qui s'oppose à un mariage forcé n'a pu être trouvée parmi les sources consultées par la Direction des recherches.
Protection offerte aux victimes d'un mariage forcé
Le Nigéria est partie à de
nombreux traités internationaux protégeant les droits
des femmes et des mineurs, y compris la Convention des Nations
Unies relative aux droits de l'enfant; la Convention des Nations
Unies pour l'élimination de toutes les formes de
discrimination à l'égard des femmes (CEDAW); la
Convention des Nations Unies contre la torture et d'autres peines
ou traitements cruels inhumains ou dégradants; le Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels; le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques; la Convention internationale sur l'élimination
de toutes les formes de discrimination raciale et la Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples (centre pour les
droits reproductifs 2003, 78; OMCT et CLEEN juin 2004, 4).
Selon une communication écrite envoyée par la directrice exécutive du WACOL,
[traduction]
[s]i les victimes sont âgées de moins de 18 ans, elles sont protégées par la loi de 2003 sur les droits de l'enfant (Child Rights Act 2003) en particulier dans les États qui ont adopté cette loi [y compris] [...] l'Ebonyi, l'Anambra et l'Imo (13 déc. 2005).
En 2005, dans le cadre de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, 20 États étaient en en train d'adopter la loi sur les droits de l'enfant (Nations Unies 13 avr. 2005). Toutefois, le 7 février 2006, seulement 8 des 36 États du Nigéria avaient adopté cette loi (Vanguard 7 févr. 2006). Aucune information sur les noms des États ayant adopté cette loi, en dehors de l'Ebonyi, l'Anambra et l'Imo (WACOL 13 déc. 2005), n'a pu être trouvée parmi les sources consultées par la Direction des recherches.
Dans une communication écrite en date de décembre 2005, la directrice exécutive du WACOL a souligné également qu'au Nigéria, les droits des femmes sont également protégés par la Constitution; elle a affirmé que
[traduction]
la constitution de 1999 comporte [une] déclaration des droits et libertés (bill of rights) qui protège, notamment, la liberté d'association, le respect de la vie privée, la liberté de culte, et qui protège contre la discrimination fondée sur le sexe (13 déc. 2005).
Selon le droit civil du Nigéria, le mariage forcé est interdit et passible d'une peine d'emprisonnement de sept ans (Nigéria 1990a). De plus, la loi du Nigéria sur les mariages (Marriage Act) exige que les parents ou les tuteurs accordent leur consentement si [traduction] « l'une des parties à un mariage prévu » a moins de 21 ans (Nigéria 1990b). La politique nationale sur la population (National Policy on Population) du pays déconseille également aux parents d'arranger un mariage pour une fille de moins de 18 ans (Nigéria Politique nationale sur la population 1998 [National Policy on Population for Population, Unity, Progress and Self-Reliance 1] citée par le centre pour les droits reproductifs 2003, 85). Selon les Country Reports 2004, toutefois, le gouvernement du Nigéria [traduction] « n'a pas entrepris de démarches importantes pour mettre un terme aux pratiques traditionnelles néfastes aux enfants, comme la vente de fillettes en vue du mariage » (28 févr. 2005, sect. 5).
En parlant des Igbos en particulier, le directeur du bureau nigérian de la fondation Heinrich Böll a mentionné dans une communication écrite que l'État n'intervient directement que très peu en ce qui concerne les mariages puisque ceux-ci sont régis par le droit coutumier (11 déc. 2005). Le directeur a ensuite affirmé que les femmes dont le mariage a été arrangé ou est forcé peuvent obtenir plus aisément de l'aide auprès des organisations non gouvernementales (ONG) de défense des droits des femmes, qui sont [traduction] « plutôt dynamiques dans le Sud-Ouest où l'on parle l'igbo » (HBF 11 déc. 2005.).
Selon BAOBAB pour les droits des femmes, cité par le DIS, entre 10 et 15 ONG offraient des services de soutien aux femmes au Nigéria (janv. 2005, 37). La source souligne également qu'il n'y avait aucune structure gouvernementale au Nigéria pour aider les femmes (BAOBAB in Danemark janv. 2005, 37).
Possibilités de refuge intérieur
L'étude menée par la mission
d'enquête britannico-danoise de 2004 à Abuja et
à Lagos au Nigéria laisse entendre que les victimes
de mariages forcés peuvent trouver un refuge à
l'intérieur du Nigéria (Danemark janv. 2005, 37-38).
Puisque les mariages forcés sont plus courants dans le Nord
du Nigéria, on croit qu'il est possible de se soustraire
à de tels arrangements en déménageant dans la
partie sud du pays (ibid., 38). Aucune information
corroborante concernant les possibilités de refuge
intérieur n'a pu être trouvée parmi les sources
consultées par la Direction des recherches.
Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais prescrits. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous la liste des autres sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.
Références
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Autres sources consultées
Sources orales : BAOBAB pour les
droits des femmes (BAOBAB for Women's Human Rights), le collectif
d'aide aux femmes (Women's Aid Collective - WACOL), le centre des
femmes pour la paix et le développement (Women's Centre for
Peace and Development), la fondation des femmes du Nigéria
(Women Foundation Nigeria) et un professeur de sociologie de
l'université de Lagos (University of Lagos) n'ont pas
répondu à une demande d'information dans les
délais prescrits.
Sites Internet, y compris :
AllAfrica; BAOBAB for Women's Human Rights; États-Unis,
Committee for Refugees and Immigrants (USCRI); European Country of
Origin Information (ECOI) Network; Freedom House; Haut Commissariat
pour les réfugiés des Nations Unies (UNHCR); Human
Rights Watch (HRW); United Nations Women Watch; Réseaux
d'information régionaux intégrés (IRIN); Women
in Law and Development in Africa (WiLDAF).