Protection offered to individuals testifying before the courts, including the traditional gacaca courts, against members of the Interahamwe militia (2003 - 2005) [RWA100517.FE]

Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR)

Dans sa livraison du 5 avril 2004, l'agence de presse suisse Fondation Hirondelle signalait que compte tenu des risques de représailles qui pèsent sur eux, les témoins qui comparaissaient devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) bénéficiaient d'un ensemble de mesures de protection. Selon la même agence, ces mesures consistaient notamment à « empêcher la divulgation au public et aux médias de l'identité des témoins et des victimes ainsi que celle des personnes qui leur sont apparentées ou associées ». L'agence a également mentionné « le recours aux pseudonymes, l'altération de l'image ou de la voix, les audiences à huis clos et la réinstallation dans d'autres pays, le cas échéant sous une nouvelle identité » (Fondation Hirondelle 5 avr. 2004).

Cependant, citant les propos d'organisations non gouvernementales (ONG), l'organisation américaine Human Rights Watch (HRW) a fait état, dans son rapport publié en septembre 2004, de « l'absence de garanties de confidentialité et de mesures de sécurité lorsque les témoins retournent au Rwanda » après avoir témoigné devant le TPIR [situé à Arusha en Tanzanie] (HRW sept. 2004, sect. III).

Au cours d'un entretien téléphonique du 1er septembre 2005, la secrétaire exécutive de la Ligue des droits de la personne dans la région des Grands Lacs (LDGL), organisation non gouvernementale établie à Kigali, au Rwanda, et dont la mission consiste à « défendre et de promouvoir les droits de l’homme et les libertés fondamentales en particulier dans les pays de la région des Grands Lacs » africains (LDGL 12 juin 2005), a fourni les renseignements suivants.

Une fois de retour au Rwanda après qu'ils ont témoigné devant le TPIR, les témoins rwandais ne bénéficient pas de mesures de protection spéciale outre celles qui sont offertes à tous les autres citoyens (LDGL 1er sept. 2005). En outre, les mesures de protections mises en place par le TPIR lors des audiences ne garantissent pas qu'une fois de retour au pays, les témoins ne seront pas reconnaissables (ibid.). La secrétaire exécutive de la LDGL a expliqué que dans le contexte rwandais où les gens vivent dans de petites communautés, une absence prolongée d'un des membres est très vite remarquée et que, de bouche à oreille, on finit toujours par savoir les motifs de son absence (ibid.). Selon elle, ceci est d'autant plus vrai que les personnes qui témoignent devant le TPIR bénéficient souvent de certains avantages matériels (habits, soins médicaux) en plus de recevoir parfois des visites du personnel du TPIR, ce qui confirme les soupçons des autres membres de la communauté (ibid.)

Tribunaux rwandais, y compris les gacacas

Au cours de l'entretien téléphonique du 1er septembre 2005, la secrétaire exécutive de la LDGL a signalé que, comme dans le cas du TPIR, les personnes qui témoignent devant les tribunaux nationaux, y compris devant les gacacas ne bénéficient d'aucune protection spéciale. Après leurs témoignages, elles rejoignent leurs communautés où elles font souvent face à plusieurs formes de menaces, d'intimidation et de harcèlement, aboutissant parfois à des coups mortels (ibid.). À titre indicatif, elle a cité des cas où on lançait aux témoins des menaces du genre « je te tuerais, car je n'ai pas peur de retourner en prison » (ibid.). Elle a également mentionné des cas où on avait lancé des pierres sur les toits des maisons des témoins, frappé sur leurs portes pendant la nuit, incendié leurs maisons, diffusé des tracts menaçants ou tué les animaux domestiques des témoins sans parler d'empoisonnements (ibid.).

Par ailleurs, la secrétaire exécutive a signalé qu'à la suite des « expéditions punitives » organisées, en 2003 et début 2004, par les autorités gouvernementales dans des régions où les rescapés du génocide (témoins potentiels), avaient été tués, les assassinats des témoins et des rescapés sont devenus de moins en moins fréquents; les personnes soupçonnées d'avoir trempé dans le génocide et leurs familles préfèrent recourir à des mesures de représailles plus « discrètes » et difficilement repérables.

La secrétaire exécutive de la LDGL a conclu en signalant que ces représailles à l'encontre des personnes qui sont amenées à témoigner devant le TPIR et les tribunaux nationaux, y compris devant les gacacas, ont eu pour effet de décourager les témoins. Elle a expliqué que la plupart des rescapés du génocide et d'autres personnes qui étaient présentes pendant le génocide préfèrent ne pas livrer leurs témoignages, par peur de représailles.

En outre, dans Toujours en lutte: la justice, un parcours semé d'obstacles pour les victimes de viol au Rwanda, rapport publié en septembre 2004, HRW a signalé qu'en ce qui concerne les crimes liés à la violence sexuelle, le système juridique « présente des faiblesses, notamment des lacunes dans la législation, [et] des mesures de protection insuffisantes pour les victimes et les témoins qui souhaitent dénoncer des violences sexuelles ou faire une déposition » (HRW sept. 2004, sect. 1).

Concernant les tribunaux gacacas, Avocats sans frontières (ASF), organisation non gouvernementale belge qui assure un « suivi de la mise en place et du travail des Juridictions Gacaca » a noté, dans un rapport d'observation du 28 février 2003, que ceux qui comparaissent devant ces tribunaux hésitaient à s'exprimer, à cause notamment de « l'absence de mesures de protection pour les témoins » (ASF 23 févr. 2003).

Toutefois, HRW a signalé qu'une « nouvelle loi adoptée le 19 juin 2004 restructure le système gacaca et semble offrir des sauvegardes importantes » (HRW sept. 2004, sect. 1). Ainsi, selon l'organisation américaine de défense des droits de la personne, la nouvelle loi

améliore les mesures de protection pour les victimes de violences sexuelles afin de faciliter les plaintes et les témoignages. Aux termes de la nouvelle loi, une victime de viol ou de torture sexuelle peut choisir entre trois alternatives: le témoignage devant un seul juge gacaca de son choix; le témoignage par écrit; ou le témoignage devant un officier de police judiciaire ou un membre du personnel du bureau du procureur, suivi par le traitement complet du dossier de viol par le bureau du procureur […]. En stipulant que les juges gacaca transmettront “secrètement” la déposition de viol au ministère public, la loi de 2004 sous-entend, sans l'exiger explicitement, que les informations permettant d'identifier les victimes de viol seront tenues secrètes (HRW sept. 2004, sect. 5).

Citant les propos du ministre rwandais des Affaires intérieures à l'occasion première ouverture des tribunaux traditionnels, l'agence de presse Fondation Hirondelle a signalé dans un article du 18 janvier 2005 que « la police nationale était en état d'alerte pour contrer d'éventuels actes de violences et des menaces à l'égard des témoins ou de toute autre personne » qui participe au travail de ces tribunaux. La même source d'information ajoutait que « dans le passé, il a eu des meurtres liés aux procès Gacaca » qui ont secoué notamment les rescapés du génocide, mais que « la police et la justice ont réagi rapidement à ces crimes » (Fondation Hirondelle 18 janv. 2005).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais prescrits. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous la liste des autres sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Références


Avocat sans Frontières (ASF-Belgique). 28 février 2003. Rwanda. Les Juridictions Gacaca. Assemblée générale de la Cellule de Nyakabuye. Rapport d'observation. http://www.asf.be/FR/FRnews/Juridiction/02-2003/28.02.03.Kibuye.pdf [Date de consultation : 29 août 2005]

Fondation Hirondelle. 18 janvier 2005. « Rwanda/Gacaca - La police en alerte alors que démarrent des milliers de Gacaca ». http://www.hirondelle.org [Date de consultation : 9 sept. 2005]
_____. 5 avril 2004. Rwanda/génocide/commémoration- les réalisations du TPIR depuis 1994 ». http://www.hirondelle.org/hirondelle.nsf/0/8042e8bf7e8bed78c1256e6a005040af?OpenDocument [Date de consultation : 29 août 2005]

Human Rights Watch (HRW). Septembre 2004. Toujours en lutte: la justice, un parcours semé d'obstacles pour les victimes de viol au Rwanda. http://hrw.org/french/reports/2004/rwanda0904/index.htm [Date de consultation : 25 août 2005]

Ligue des droits de la personne dans la région des Grands Lacs (LDGL). 1er septembre 2005. Entretien téléphonique avec la secrétaire exécutive

._____. 12 juin 2005. « présentation : qu’est ce que la LDGL ? ». http://www.ldgl.org/article.php3?id_article=1 [Date de consultation : 2 sept. 2005]

Autres sources consultées


Publications : Africa Confidential, Africa Research Bulletin, Dossier de pays du Centre des ressources, Jeune Afrique/L'Intelligent, Keesing's Record of World Events.

Sites Internet : AllAfrica, Amnesty International, BBC Africa, Ecoi.net, Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), gouvernement du Rwanda, Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), Human Rights Watch (HRW), MISNA, ReliefWeb.

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