Guinea: Single women without family support; their ability to live on their own and find housing and employment without requiring a man’s approval (2013-March 2015) [GIN105143.FE]

Guinée : information sur les femmes célibataires et sans soutien familial, y compris sur la possibilité qu'ont ces femmes de vivre seules et de se trouver un logement et un emploi sans avoir besoin de l'approbation d'un homme (2013-mars 2015)

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

1. Contexte général

Selon le rapport d'une mission conjointe en République de Guinée, les organes des gouvernements belge, français et suisse chargés des questions touchant les réfugiés, à savoir le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA/Belgique), l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA/France) et l'Office fédéral des migrations (ODM/Suisse), le mariage demeurait « un événement particulièrement important » dans la vie d'une femme en Guinée, parce qu'elle acquérait ainsi un statut social (Belgique et al. mars 2012, 16).

Selon l'Enquête démographique et de santé et à indicateurs multiples (EDS-MICS 2012) effectuée par l'Institut national de la statistique de Guinée [1], la sexualité et la procréation se font principalement dans le cadre du mariage, ce qui explique que, chez les femmes, le « célibat définitif [soit] un phénomène marginal (seulement 0,2 p.100 sont célibataires à 45-49 ans » (Guinée nov. 2013, 55). Selon la même enquête, le célibat féminin diminue par ailleurs avec l'âge, « passant de 66% à 15-19 ans à 11% à 25-29 ans et à 2% à 35-39 ans » (ibid., 56).

Selon l'enquête EDS-MICS 2012, en termes de chefs de ménage, la proportion de femmes est de 18 p. 100 en zone urbaine et de 17 p. 100 en zone rurale (ibid., 26).

Lors d'un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, la directrice adjointe pour l'Afrique de l'Ouest au bureau de Human RightsWatch à New York a déclaré que [traduction] « les femmes [en Guinée] [avaient] tendance à se marier jeunes » (15 avr. 2015). Selon le ministère des Affaires sociales, de la Promotion féminine et de l'Enfance de la Guinée, trois filles sur cinq se marient avant l'âge de 17 ans (Guinée févr. 2013, 11). En outre, des sources soulignent que les mariages « précoces » et « forcés » sont courants en Guinée (É.-U. 2014, 29; FIDH et al. oct. 2014). Selon un rapport alternatif conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) et de quatre autres ONG guinéennes, les mariages « précoces et forcés » existent « dans la plupart des groupes ethniques et religieux du pays, favorisés par la pression sociale et économique » (ibid.). Selon la même source, la pratique du sororat « obligation faite à la sœur d'une épouse défunte de se marier avec son beau[-]frère » est courante à cause des mêmes pressions (ibid.).

Du point de vue législatif, les Country Reports on Human Rights Practices for 2013, publiés par le Départment d'État des États-Unis, signalent que le droit guinéen « prévoit en général l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes, mais [que la loi] établit une discrimination à l'égard des femmes en matière d'héritage » (É.-U. 27 févr. 2014, 27). Le Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes souligne que l'égalité hommes-femmes en matière de droit au travail est garantie par « l'article 20 de la Constitution, le statut général des fonctionnaires et le code du travail » (Nations Unies 14 nov. 2014, paragr. 46).

Selon les données du rapport Les femmes, l'entreprise et le droit 2014 : Lever les obstacles au renforcement de l'égalité hommes-femmes de la Banque mondiale, les femmes non mariées ne font pas l'objet de discrimination sur le plan juridique par rapport aux hommes en ce qui concerne, entre autres, l'accès à l'emploi et à la création d'entreprise, l'accès à un compte bancaire, le choix du lieu de résidence et la capacité à être chef de famille, ainsi qu'en matière de droit à la propriété (Banque mondiale 24 sept. 2013, 102). Cependant, sur la base de ces mêmes critères, la femme mariée fait face à des inégalités de droit en matière d'accès à l'emploi, du choix de lieu de résidence et de sa capacité à être chef de famille (ibid.).

2. Situation des femmes célibataires en Guinée
2.1 Possibilité de vivre seules

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un représentant de la FIDH a déclaré qu'à sa connaissance, « il n'exist[ait] pas de problème particulier pour les femmes célibataires à Conakry, hormis une pression sociale favorisant le mariage et n'accordant que peu de reconnaissance sociale aux femmes vivant seules » (FIDH 30 mars 2015). Cependant, la directrice de programmes à Wafrica Guinée, une « ONG internationale et locale qui a pour mission la promotion et la protection de la femme et de la jeune fille » guinéennes (Les Amazones s.d.), parlant en son nom propre, a signalé dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches qu'il était rare que les femmes célibataires demeurent seules; et ce, pour les motifs suivants :

Une jeune femme qui n'a pas encore été mariée reste le plus souvent avec ses parents. [Il est] [i]nadmissible pour sa famille, souvent pour des questions d'honneur, [et] il est mal vu par la communauté qu'elle vive seule. Elle perd aussi ses chances de se marier, car elle peut être perçue comme un mauvais parti : de mauvaise famille ou libertine.

Les femmes célibataires qui sont divorcées ont, elles, des possibilités de vivre seules si elles sont financièrement stables, mais, tout comme les femmes jamais mariées, l'usage accepté est [plutôt] de rester dans la famille.

Concernant les femmes célibataires veuves, elles peuvent vivre seules si leur mari les a laissées dans une habitation dont elles ont hérité. Mais il arrive souvent que la pratique du sororat, où le frère du défunt [épouse] la [veuve], empêche cette situation de vie solitaire pour la femme. Sinon, d'autres membres de sa famille viendront souvent s'installer pour rester avec elle pour des questions de bons usages et pour des raisons de sécurité (9 avr. 2015).

De même, dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un représentant de l'Organisation guinéenne de défense des droits de l'homme (OGDH), une ONG guinéenne affiliée à la FIDH (FIDH s.d.), a déclaré que « [l]es femmes célibataires [pouvaient] réellement vivre seules, mais [que] les risques liés à ce célibat féminin résid[ai]ent dans la perception que la communauté a des femmes non mariées ne vivant pas sous une autorité parentale » (OGDH 14 avr. 2015). Par ailleurs, la directrice adjointe de Human Rights Watch a déclaré que les conditions socio-économiques de la Guinée font en sorte que les femmes guinéennes ont tendance à vivre dans des unités familiales (Human Rights Watch 15 avr. 2015).

2.2 Accès au logement

Selon la directrice des programmes, il est plus facile pour une femme célibataire de se trouver un logement si elle dispose de moyens financiers suffisants (Directrice des programmes 9 avr. 2015). Selon cette même source, le soutien d'un homme peut faciliter l'obtention d'un logement pour la femme célibataire, face aux réticences qu'auraient les propriétaires à en fournir un à celle-ci, de par son statut social et du fait qu'ils la percevraient comme incapable de se débrouiller seule (ibid.). La directrice des programmes a également déclaré que, « pour des questions de sécurité [...], il se peut aussi que les logeurs refusent de loger une femme seule, afin d'éviter des ennuis pour eux ou la femme » (ibid.). Selon la directrice de programmes, il y aurait « plus de risques qu'elle soit harcelée ou attaquée » (ibid. 14 avr. 2015). Le représentant de l'OGDH a fourni les renseignements qui suivent :

Dans de nombreux cas, [les femmes célibataires] ne peuvent bénéficier d'un logement que lorsqu'elles sont accompagnées d'un parent homme, qui a aussi l'obligation de prouver leurs liens de parenté. Lorsqu'elles accèdent aisément et sans conditions à un logement, elles peuvent être exposées au harcèlement pouvant provenir ou du logeur ou de celui qui a favorisé l'obtention du logement (OGDH 14 avr. 2015).

2.3 Accès à l'emploi

Selon le rapport alternatif de la FIDH et des autres ONG partenaires, les femmes [guinéennes] sont victimes de la « ségrégation professionnelle » du fait qu'elles exercent surtout des emplois à faibles révenus et peu qualifiés (FIDH et al. oct. 2014). Les Country Reports 2013 signalent que, « bien que la loi exige le paiement d'un salaire égal à travail égal, les femmes [sont] moins rémunérées que les hommes dans la pratique » (É.-U. 23 févr. 2014, 28).

Selon le rapport alternatif, « l'accès des femmes à l'emploi n'est pas égal à celui des hommes, si bien qu'elles sont sur-représentées dans le secteur informel qui ne fournit aucune protection sociale », ce qui contrevient à l'article 18 de la Constitution de la Guinée (FIDH et al. oct. 2014). Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes corrobore la faible participation des femmes à l'économie officielle, précisant qu'elle se situe à hauteur de 10 p. 100 de la population économiquement active de la Guinée (Nations Unies 14 nov. 2014, paragr. 46(c)). Selon un rapport publié par le gouvernement de la Guinée en 2013 et intitulé Document de stratégie de réduction de la pauvreté (2013-2015), les femmes guinéennes constituent 80 p. 100 de la main-d'œuvre du secteur agricole et 27,1 p. 100 des salariées des secteurs non agricoles (Guinée mai 2013, 37).

Le représentant de la FIDH a déclaré qu'une femme vivant seule en Guinée pouvait se trouver un emploi sans l'aide d'un homme et sans être représentée par un homme (FIDH 30 mars 2015). De même, selon la directrice des programmes, l'aide d'un homme ou la représentation par un homme n'est pas « essentielle » pour qu'une femme célibataire se trouve un emploi (Directrice des programmes 9 avr. 2015). Une source concordante, candidate au doctorat à l'Institut d'anthropologie de l'Université de Bâle, en Suisse, qui a conduit une recherche de terrain en Guinée entre 2011 et 2013 et qui est en contact régulier avec ses sources dans le pays, a signalé que, bien qu'une femme guinéenne puisse se trouver un emploi sans l'aide d'un homme, « les réseaux sont importants [et] qu'il est commun qu'il y ait de l'entraide de la part d'amies-femmes ou de membres de la famille » (canditate au doctorat 21 avr. 2015).

Selon la directrice des programmes, « [les] femmes sont souvent susceptibles d'occuper de petits emplois informels, des emplois dans l'artisanat, la couture, la broderie, ou des emplois subalternes dans l'administration ou dans le secteur privé des services » (Directrice des programmes 9 avr. 2015). Par ailleurs, l'impossibilité de trouver une personne pour garder les enfants ainsi que de la discrimination lors de l'embauche peuvent constituer des barrières à l'emploi pour une femme vivant seule avec enfants (ibid.). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé de renseignements allant dans ce sens.

2.4 Possibilité de se déplacer et de se réinstaller

Le représentant de la FIDH a déclaré qu'il n'avait « pas connaissance de problème de sécurité particulier ou d'impossibilité de déménagement » pour les femmes vivant seules en Guinée (FIDH 30 mars 2015). Toutefois, selon la directrice des programmes,

il est souvent difficile pour les femmes de se déplacer seules et de se réinstaller seules; elles ont souvent besoin d'un appui familial ou d'un homme. Aussi, il est fortement déconseillé et assez risqué pour une femme de se déplacer seule et de s'installer seule dans une nouvelle communauté. Elle peut en effet craindre pour sa sécurité. L'âge et les enfants à charge sont néanmoins des facteurs plus ou moins atténuants (Directrice des programmes 9 avr. 2015).

De même, le représentant de l'OGDH a déclaré que, « si [les femmes célibataires] peuvent se déplacer et déménager n'importe où en Guinée, le sentiment d'insécurité qui les anime est souvent grand » (14 avr. 2015).

3. Services offerts aux femmes célibataires guinéennes

Selon la directrice des programmes, « les services [sociaux] fournis par l'État guinéens et les ONG ont très peu de capacité et sont peu étendus » (directrice des programmes 21 avr. 2015). En outre, selon cette même source, ils ne visent pas précisément les femmes célibataires (ibid.).

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé de renseignements concernant des services sociaux offerts soit par le gouvernement de la Guinée, soit par des ONG qui visent précisément les femmes célibataires guinéennes.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Note

[1] L'institut national de la statistique (INS) relève du ministre du Plan de la Guinée (Guinée s.d.). Il œuvre à « la conception, [à] l'élaboration, [à] la coordination et [à] la mise en œuvre de l'activité statistique et [de] l'information socio-économique sur toute l'étendue du territoire national » (ibid.).

Références

Les Amazones. S.d. Dioum Keita. « Fatou Souare, coordinatrice de Wafrica Guinée : "J'encourage les filles à miser sur les choses sérieuses..." ». [Date de consultation : 20 avr. 2015]

Banque mondiale. 24 septembre 2013. Women, Business and the Law 2014: Removing Restrictions to Enhance Gender Equality. [Date de consultation : 7 avr. 2015]

Belgique, France et Suisse. Mars 2012. Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA), Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), Office fédéral des migrations. Rapport de mission en République de Guinée : 29 octobre - 19 novembre 2011. [Date de consultation : 7 avr. 2015]

Candidate au doctorat, Université de Bâle. 21 avril 2015. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Directrice des programmes, Wafrica Guinée. 21 avril 2015. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

_____. 14 avril 2015. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

_____. 9 avril 2015. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

États-Unis (É.-U.). 27 février 2014. Department of State. « Guinée ». Country Reports on Human Rights Practices for 2013. [Date de consultation : 31 mars 2015]

Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH). 30 mars 2015. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par un représentant.

_____. S.d. « Guinée Conakry - Organisation guinéenne de défense des droits de l'homme et du citoyen (OGDH) ». [Date de consultation : 20 avr. 2015]

Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH); Organisation guinéenne de défense des droits de l'homme et du citoyen (OGDH); Association des victimes, parents et amis des événements du 28 septembre 2009 (AVIPA); Les mêmes droits pour tous (MDT); La Coordination des organisations de défense des droits humains (CODDH). Octobre 2014. Comité CEDEF examen de la Guinée. [Date de consultation : 30 mars 2015]

Guinée. Novembre 2013. Ministère du Plan, Institut national de la statistique (INS). Enquête démographique et de santé et à indicateurs multiples (EDS-MICS 2012). [Date de consultation : 31 mars 2015]

_____. Mai 2013. Ministère d'État chargé de l'Économie et des Finances, Secrétariat permanent de la stratégie de réduction de la pauvreté (SP-SRP). Document de stratégie de réduction de la pauvreté. DSRP III (2013-2015). [Date de consultation : 31 mars 2015]

_____. Février 2013. Ministère des Affaires sociales, de la Promotion féminine et de l'Enfance. Rapport national sur l'élimination et la prévention des violences à l'égard des femmes/filles. [Date de consultation : 31 mars 2015]

_____. S.d. Ministère du Plan, Institut national de la statistique (INS). « Mission ». [Date de consultation : 20 avr. 2015]

Human Rights Watch. 15 avril 2015. Entretien téléphonique avec la directrice adjointe responsable de l'Afrique de l'Ouest.

Nations Unies. 14 novembre 2014. Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Observations finales concernant les septième et huitième rapports périodiques de la Guinée. (CEDAW/C/GIN/CO/7-8) [Date de consultation : 31 mars 2015]

Organisation guinéenne de défense des droits de l'homme et du citoyen (OGDH). 14 avril 2015. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par un représentant.

Autres sources consultées

Sources orales : Centre pour le développement du genre, Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO); Coalition nationale de Guinée pour les droits et la citoyenneté des femmes; Femmes, Droit et Développement en Afrique (FeDDAF); Femmes, pouvoir et développement; Guinée – Institut national de la statistique; Nations Unies- Bureau sous-régional de l'Organisation internationale du travail pour le Sahel, ONU de Guinée; professeur de sociologie à l'Université Oprah Winfrey de Guinée; Réseau des femmes du fleuve Mano pour la paix, Tostan – Guinée.

Sites Internet, y compris : Afrik.com; Agence guinéenne de presse; AllAfrica; Amnesty International; Aujourd'hui-enGuinée.com; Banque africaine de développement; Conakry.info; ecoi.net; États-Unis – Department of State; Factiva; Femmes de Guinée; Fonds monétaire international; Freedom House; Guinée – Présidence de la République de Guinée; IRIN; Minority Rights Group International; Nations Unies – Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique, Fonds des Nations Unies pour la population, Haut-Commissariat aux droits de l'homme, ONU Femmes, Organisation internationale du travail, Programme des Nations Unies pour le développement, Refworld; Norvège – Landinfo; Organisation de coopération et de développement économique; VisionGuinée.Info; Women Living Under Muslim Laws.

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