Document #1146707
HRW – Human Rights Watch (Author)
Neuf témoins des villes de Tafas, Tseel et Sahem al-Golan ont fait à Human Rights Watch le récit de l'une de ces attaques qui s'est déroulée le 29 avril, lorsque des milliers de personnes des villes voisines de Deraa ont tenté de briser le blocus de la ville. Ces témoins ont indiqué que les forces de sécurité avaient stoppé les manifestants qui essayaient de parvenir à Deraa à un poste de contrôle proche de l'entrée ouest de la ville de Deraa. L'un des témoins de la ville de Tseel qui participait à la manifestation a déclaré :
Nous nous sommes arrêtés là, attendant que d'autres gens arrivent. Nous tenions des rameaux d'olivier et des panneaux disant que nous voulions apporter de la nourriture et de l'eau à Deraa. Nous avions des bonbonnes d'eau et des colis de nourriture avec nous. Il a fini par y avoir des milliers de personnes rassemblées sur la route - la foule s'étirait sur environ six kilomètres.
Puis nous avons commencé à nous rapprocher du poste de contrôle. Nous criions « pacifique, pacifique » et en réponse ils ont ouvert le feu. Les forces de sécurité étaient partout, dans les champs à proximité, sur un réservoir d'eau derrière le poste de contrôle, sur le toit d'une usine proche et dans les arbres, et les tirs arrivaient de tous les côtés. Les gens se sont mis à courir, et ils tombaient, en essayant d'emporter les blessés. Neuf personnes de Tseel ont été blessées à cet endroit et l'une d'elles est morte.
Un autre témoin, de Tafas, a ajouté :
Il n'y a pas eu d'avertissement, pas de coups de feu tirés en l'air. C'était tout simplement une embuscade. Ça tirait de tous les côtés, avec des fusils automatiques. Les forces de sécurité étaient positionnées dans les champs le long de la route et sur les toits des immeubles. Ils prenaient les gens délibérément pour cible. La plupart des blessures ont été faites à la tête et à la poitrine.
Deux hommes de Tafas ont été tués à cet endroit : Muhammad Aiman Baradan, âgé de 22 ans, et Ziad Hreidin, 38 ans. Ziad était juste à côté de moi quant un tir de sniper l'a touché à la tête. Il est mort sur le coup. En tout, 62 personnes ont été tuées et plus d'une centaine ont été blessées, j'ai aidé à les transporter à l'hôpital de Tafas.
Les autorités syriennes ont accusé à maintes reprises les manifestants à Deraa d'avoir déclenché les violences et les ont accusés d'attaques contre les forces de sécurité. Tous les témoignages recueillis par Human Rights Watch indiquent toutefois que les manifestations étaient dans la plupart des cas pacifiques.
Human Rights Watch a documenté plusieurs incidents au cours desquels, en réaction aux meurtres de manifestants, des habitants de Deraa ont recouru à la violence, brûlant des voitures et des bâtiments, et tuant des membres des forces de sécurité. Human Rights Watch a déclaré que ces incidents devraient faire l'objet de plus amples investigations, mais qu'ils ne justifiaient en aucune façon l'usage massif et systématique de la force létale contre les manifestants.
Les autorités syriennes ont en outre refusé aux manifestants blessés l'accès à des soins médicaux en empêchant les ambulances de parvenir jusqu'aux personnes blessées, et en plusieurs occasions en ouvrant le feu sur des membres du personnel médical ou des sauveteurs qui tentaient d'emporter les blessés. Les forces de sécurité ont pris le contrôle de la plupart des hôpitaux de Deraa et ont arrêté les blessés qui y étaient amenés. De ce fait, de nombreuses personnes blessées ont évité les hôpitaux et ont reçu des soins dans des hôpitaux de fortune disposant d'installations limitées. Dans au moins deux cas documentés par Human Rights Watch, des personnes sont mortes pour s'être vu refuser les soins médicaux nécessaires.
Des témoins de Deraa et de villes voisines ont fait état auprès de Human Rights Watch d'opérations de rafles à grande échelle de la part des forces de sécurité, qui ont arrêté quotidiennement des centaines de personnes, ainsi que d'arrestations ciblées de militants et de membres de leurs familles. Les personnes arrêtées, dont de nombreux enfants, ont été détenues dans des conditions épouvantables. Tous les ex-détenus interrogés ont indiqué avoir été soumis à la torture, de même que des centaines d'autres personnes qu'ils ont vues en détention, notamment lors de passages à tabac prolongés avec des matraques, des câbles tordus, d'autres dispositifs, et des électrochocs. Certains ont été torturés sur des « grils » improvisés en métal et en bois, et dans au moins un cas documenté par Human Rights Watch, un homme détenu a été violé avec une matraque.
Deux témoins ont signalé séparément à Human Rights Watch l'exécution extrajudiciaire de détenus le 1er mai dans une prison improvisée sur un terrain de football à Deraa. L'un des deux détenus a indiqué que les forces de sécurité avaient exécuté 26 détenus ; l'autre a décrit un groupe de « plus de 20 ». Human Rights Watch a été dans l'impossibilité de corroborer ces récits. Toutefois, les informations détaillées fournies par deux témoins indépendants et le fait que d'autres parties de leurs déclarations ont été totalement corroborées par d'autres témoins renforcent la crédibilité de ces allégations.
Le 25 avril, les forces de sécurité ont déclenché une opération militaire à grande échelle à Deraa, imposant un blocus qui a duré 11 jours au moins avant d'être étendu aux villes voisines. Protégées par des tirs nourris, les forces de sécurité ont occupé chaque quartier de la ville, ont ordonné aux gens de rester chez eux et ont ouvert le feu sur ceux qui bravaient l'interdiction. Des témoins ont indiqué que les habitants de Deraa ont connu de graves pénuries de nourriture, d'eau, de médicaments et autres denrées nécessaires au cours du siège. Les forces de sécurité ont condamné des réservoirs d'eau. L'électricité et toutes les communications ont été coupées. Dans l'impossibilité d'enterrer ou de conserver correctement le nombre croissant de cadavres, les habitants de Deraa ont stocké nombre d'entre eux dans des véhicules frigorifiques à légumes qui pouvaient fonctionner au diesel.
Les autorités syriennes ont aussi imposé un blocus sur l'information à Deraa. Elles ont empêché tous les observateurs indépendants d'entrer dans la ville et ont interrompu tous les moyens de communication. Les forces de sécurité ont recherché et confisqué les téléphones portables contenant des enregistrements des événements de Deraa, et elles ont arrêté et torturé les personnes qu'elles soupçonnaient de tenter de faire sortir des images ou autres informations, y compris des ressortissants étrangers. Dans certaines zones, l'électricité et les communications restent coupées.
Human Rights Watch a appelé le gouvernement syrien à cesser immédiatement le recours à la force excessive et létale par les forces de sécurité contre les manifestants et les militants, à libérer tous les détenus arrêtés arbitrairement et à fournir aux groupes de défense des droits humains et aux journalistes un accès immédiat et libre à Deraa. L'organisation a également appelé le Conseil de sécurité à adopter des sanctions financières et de déplacement à l'encontre des autorités responsables de violations persistantes des droits humains, ainsi qu'à faire pression et à appuyer les efforts pour que soient menées des enquêtes et des poursuites sur les violations graves, généralisées et systématiques des droits humains commises en Syrie.
« Les autorités syriennes ont fait tout ce qu'elles ont pu pour dissimuler leur répression sanglante à Deraa », a conclu Sarah Leah Whitson. « Mais des crimes aussi horribles sont impossibles à cacher, et tôt ou tard les responsables devront répondre de leurs actes. »
1 June 2011 | HRW – Human Rights Watch (Author)
Syrian Arab Republic
"We've Never Seen Such Horror"; Crimes against Humanity by Syrian Security Forces (Appeal or News Release, Russian)
1 June 2011 | HRW – Human Rights Watch (Author)
Syrian Arab Republic
"We've Never Seen Such Horror"; Crimes against Humanity by Syrian Security Forces (Special or Analytical Report, English)
1 June 2011 | HRW – Human Rights Watch (Author)
Syrian Arab Republic
"We've Never Seen Such Horror"; Crimes against Humanity by Syrian Security Forces (Appeal or News Release, English)
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