Democratic Republic of the Congo: Forced marriages, including prevalence, types, and availability of state protection and recourse for victims (2008-March 2012) [COD104023.E]

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

1. Mariages forcés
1.1 Lois

En 2006, la République démocratique du Congo (RDC) a adopté une loi modifiant son code pénal après avoir reconnu que les actes de violence sexuelle avaient augmenté au cours de la seconde moitié du 20e siècle (RDC 2006, exposé). L’ajout d’une disposition rendant illégal le mariage forcé compte parmi les changements apportés pour lutter contre la violence sexuelle (ibid. exposé, art. 3, paragr. 6). La loi prévoit une peine de un à douze ans d’emprisonnement et une amende d’au moins 100 000 francs congolais (CDF) [110 dollars canadiens (CAD) (XE 16 mars 2012a)] pour toute personne qui, exerçant l’autorité parentale ou tutélaire sur une personne à charge, contraint celle-ci à se marier (RDC 2006, art. 3, paragr. 6). La peine minimale prévue est doublée lorsque la personne forcée de se marier a moins de 18 ans (ibid.). De plus, le Code de la famille du Congo précise que chacun des futurs époux doit personnellement consentir au mariage, et que l’âge légal pour se marier est de 18 ans pour les hommes et de 15 ans pour les femmes (ibid. 1987, art. 351-352).

1.2 Fréquence

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un représentant de l’Initiative sur la primauté du droit (Rule of Law Initiative - ROLI) de l’Association du barreau américain (American Bar Association - ABA), qui offre des programmes sur la violence sexuelle et l’accès à l’aide juridique dans l’est de la RDC (s.d.), a décrit le mariage forcé comme une « réalité cachée » dans le pays (ABA 5 mars 2012). Au cours d’entretiens téléphoniques avec la Direction des recherches, des représentantes de deux organisations de défense des droits des femmes en RDC ont dit que les mariages forcés étaient fréquents là-bas (RFDA 24 févr. 2012; RFDP 1er mars 2012). L’une des représentantes, qui travaille auprès du Réseau des femmes pour un développement associatif (RFDA), organisation située dans le Sud-Kivu (GRIP s.d.), a affirmé que des mariages forcés sont contractés partout dans le pays, y compris dans le Sud-Kivu et le Nord-Kivu (RFDA 24 févr. 2012).

Au cours d’une entrevue accordée en 2008 à Radio Okapi, station de radio des Nations Unies en RDC (s.d.), la défenseure des droits des Congolaises Fayila Mwangila a déclaré que les mariages forcés sont plus courants dans les villages [que dans les villes], mais qu’ils sont contractés « presque partout » en RDC en raison des conditions socio-économiques (Kamuandu et Mwangila 18 févr. 2008). Selon un segment d’entrevue de Radio Okapi remontant à décembre 2010, les actes de violence sexuelle contre les femmes, en particulier les mariages forcés, étaient en hausse dans l’Ituri, région de l’est de la RDC (27 déc. 2010). Le journal congolais La Prosperité a publié en juin 2010 un article sur les mariages forcés et précoces à Tshikapa, dans le Kasaï-Occidental, où il est expliqué que les filles sont considérées comme des objets et qu’en raison de la tradition, elles sont forcées de se marier contre leur gré (25 juin 2010).

1.3 Circonstances dans lesquelles les mariages forcés sont contractés

Des sources soulignent que des parents ou des tuteurs forcent leurs filles à se marier pour des raisons financières (RFDA 24 févr. 2012; RFDP 1er mars 2012; Kamuandu et Mwangila 18 févr. 2008). Au cours de son entretien téléphonique avec la Direction des recherches, la représentante de l’autre groupe de défense des droits des femmes, le Réseau des femmes pour la défense des droits et la paix (RFDP), qui mène également ses activités dans le Sud-Kivu (Irenees.net s.d.), a expliqué que si un homme éprouve des difficultés financières, il peut décider de donner sa fille en mariage en échange d’une somme d’argent ou d’une remise de dette sans consulter sa femme (RFDP 1er mars 2012). Des sources précisent que l’homme verse une dot aux parents de la future mariée avant le mariage (RDC 1987, art. 361; RFDA 24 févr. 2012). La représentante du RFDA a souligné que, une fois que la dot a été payée, la fille doit cesser d’aller à l’école et le mariage est contracté, que la fille ait consenti ou non à ce mariage (ibid.). Au cours de l’entrevue de Radio Okapi à laquelle Fayila Mwangila a participé, Dominique Kamuandu - avocat congolais de l’organisation non gouvernementale (ONG) Avocats sans frontières - a aussi pris la parole, affirmant que, particulièrement au Kasaï, les jeunes filles peuvent être « réservées » en vue d’un mariage avec des hommes riches plus âgés (Kamuandu et Mwangila 18 févr. 2008).

La représentante du RFDP a également expliqué que lorsqu’une fille tombe enceinte et que son partenaire n’est pas marié, les parents de celle-ci les obligeront à se marier, étant donné qu’elle ne sera pas en mesure de trouver un autre mari une fois que la grossesse sera connue de tous (1er mars 2012).

Les deux représentantes des organisations de défense des droits des femmes ont aussi affirmé que les filles qui ont subi un viol sont forcées d’épouser leur violeur (RFDA 24 févr. 2012; RFDP 1er mars 2012). La représentante du RFDP a donné des détails, expliquant que même si cette pratique est illégale, elle peut néanmoins être adoptée par la famille de la fille, la police ou le chef du village, en particulier dans les régions éloignées où la loi est moins appliquée qu’ailleurs (ibid.). La représentante du RFDA a souligné que la famille peut recevoir une compensation financière par suite du viol et du mariage subséquent de la fille (24 févr. 2012).

À la fois dans le segment d’entrevue de décembre 2010 sur la violence sexuelle et au cours de l’entrevue accordée par Fayila Mwangila et Dominique Kamuandu, Radio Okapi aborde la question du lévirat, à savoir la pratique voulant qu’une veuve soit forcée d’épouser le frère de son défunt mari (Kamuandu et Mwangila 18 févr. 2008; Radio Okapi 27 déc. 2010). Dominique Kamuandu, représentant de l’ONG Avocats sans frontières, a expliqué à ses interviewers que cette pratique continue, particulièrement dans le Kasaï (Kamuandu et Mwangila 18 févr. 2008).

1.4 Recours

D’après Dominique Kamuandu, une fille qui est forcée de se marier peut informer l’officiel de l’état civil qu’elle ne consent pas au mariage; l’autorité peut ensuite refuser de rendre celui-ci officiel (ibid.). La fille peut également demander l’annulation de son mariage s’il a déjà été contracté (ibid.). Selon l’article 402 du Code de la famille du Congo, lorsque le mariage a été contracté sans le consentement de l’un des époux, la nullité du mariage doit être prononcée (RDC 1987). Le Code de la famille précise aussi qu’une personne qui a contracté un mariage sous l’empire de la violence ou par suite d’une erreur sur une « qualité essentielle, physique, civile ou morale » de l’un des époux peut en demander l’annulation (ibid., art. 403, 405). Toutefois, aux termes de ces dispositions, le mariage ne peut plus être attaqué six mois après que la violence a pris fin ou que l’erreur a été découverte et deux ans après que le mariage a été célébré (ibid.). Dominique Kamuandu a aussi souligné que l’efficacité de la loi dépend de la volonté des victimes de signaler le crime (Kamuandu et Mwangila 18 févr. 2008).

Le représentant de la ROLI de l’ABA a dit que, parmi les cas signalés aux bureaux d’aide juridique de son organisation, aucune poursuite criminelle pour mariage forcé n’a encore donné lieu à une issue favorable (ABA 5 mars 2012). Il a ajouté que ces types de cas ne sont jamais ou pratiquement jamais signalés aux bureaux ou aux autorités (ibid.). De même, Dominique Kamuandu et Fayila Mwangila, l’avocat et la défenseure des droits des femmes qui ont donné une entrevue à Radio Okapi, ont affirmé que les cas de mariage forcé ne sont que rarement signalés (18 févr. 2008). Les interviewers de Radio Okapi ont expliqué que, dans la culture congolaise, il est souvent difficile pour les filles d’aller à l’encontre des désirs de leurs parents ou de porter plainte contre eux (Kamuandu et Mwangila 18 févr. 2008). Les filles qui refusent de contracter un mariage forcé seraient considérées comme désobéissantes par leurs parents, particulièrement lorsqu’il s’agit d’un mariage consanguin visant à renforcer les liens familiaux et à conserver les biens dans la famille (ibid.).

Dans son segment d’entrevue de décembre 2010 sur la violence sexuelle, Radio Okapi souligne que la RDC compte un comité national de lutte contre la violence sexuelle dans l’est du pays qui travaille avec les ONG de défense des droits des femmes pour sensibiliser la population à la violence sexuelle, y compris le mariage forcé et le lévirat (27 déc. 2010).

2. Esclavage sexuel

La loi de 2006 modifiant les dispositions du Code pénal du Congo sur la violence sexuelle interdit l’esclavage sexuel, et prévoit une peine de cinq à vingt ans d’emprisonnement et une amende de 200 000 CDF [220 CAD (XE 16 mars 2012b)] pour toute personne ou tout groupe qui détient, vend, prête ou troque une autre personne pour des fins sexuelles (RDC 2006, art. 3, paragr. 5).

Diverses sources soulignent que de jeunes Congolaises sont enlevées par des membres de groupes armés à des fins de mariage forcé ou d’esclavage sexuel (BBC 15 mai 2010; Bartels et al. mai 2010, 42; Peterman et al. juin 2010, 1060). On peut lire dans une étude sur les dossiers médicaux des victimes de viol soignées entre 2004 et 2008 à l’hôpital de Panzi, à Bukavu, dans le Sud-Kivu, que les chercheurs ont constaté que 12 p. 100 des patientes avaient affirmé avoir été gardées en captivité en tant qu’esclaves sexuelles durant au moins 24 heures, généralement par des combattants armés (HHI avr. 2010, 2, 21, 36). On peut également lire dans l’étude que,

[traduction]

dans quelques cas, les femmes ont été prises comme « épouses » par un soldat en particulier, souvent un chef ou un commandant. Dans d’autres cas, elles ont été violées par de nombreux hommes sur une certaine période. Bon nombre de femmes ont finalement pu s’enfuir. À l’occasion, des membres de la famille d’une femme ont donné de l’argent aux ravisseurs afin que celle-ci soit libérée (ibid., 21).

De plus, il ressort de l’étude que les jeunes filles célibataires sont les plus susceptibles d’être gardées en captivité en tant qu’esclaves sexuelles (ibid., 36). Un article de la British Broadcasting Corporation (BBC) publié en 2010 fait état du cas d’une femme qui a été forcée de choisir entre être violée par des membres d’un groupe armé ou devenir leur épouse, et du cas d’une fille qui a été enlevée par un groupe rebelle - les Interahamwe - et gardée en captivité en tant qu’esclave sexuelle pendant un an (15 mai 2010). Pour obtenir de plus amples renseignements sur la violence sexuelle dans les zones de conflit en RDC, veuillez consulter la Réponse à la demande d’information COD104022.EF du 17 avril 2012.

Deux médias congolais ont souligné en 2009 que des policiers à la frontière de Kikuangu Mbemba, dans le district de Tshela, au Bas-Congo, enlevaient des filles et les vendaient en tant que soi-disant épouses à des soldats angolais de l’autre côté de la frontière, et ce, sans que les filles donnent leur consentement ou que les parents de ces dernières soient au courant (Radio Okapi 28 janv. 2009; Le Potentiel23 avr. 2009). Selon Le Potentiel, journal de Kinshasa, 32 filles ont été enlevées de janvier à mars 2009, et 8 policiers et 2 chefs de village ont été arrêtés (ibid.).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Références

American Bar Association (ABA). 5 mars 2012. Rule of Law Initiative (ROLI). Communication écrite envoyée par un représentant.

_____. S.d. Rule of Law Initiative (ROLI). « Democratic Republic of Congo Programs ». [Date de consultation : 12 avr. 2012]

Bartels, Susan, Jennifer Scott, Jennifer Leaning, Denis Mukwege, Robert Lipton et Michael VanRooyen. Mai 2010. « Surviving Sexual Violence in Eastern Democratic Republic of Congo ». Journal of International Women's Studies. Vol. 11, no 4. [Date de consultation : 15 mars 2012]

British Broadcasting Corporation (BBC). 15 mai 2010. Anne Mawathe. « Haunted by Congo Rape Dilemma ». [Date de consultation : 12 avr. 2012]

Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP). S.d. « Réseau des femmes pour un développement associatif ». [Date de consultation : 15 mars 2012]

Harvard Humanitarian Initiative (HHI). Avril 2010. « Now, the World Is Without Me »: An Investigation of Sexual Violence in Eastern Democratic Republic of Congo. [Date de consultation : 15 mars 2012]

Irenees.net. S.d. « Réseau des femmes pour la défense des droits et la paix ». [Date de consultation : 15 mars 2012]

Kamuandu, Dominique, et Fayila Mwangila. 18 février 2008. Entrevue réalisée par Nounou Ngoyi et Jody Nkashama dans « Quel recours juridique pour un cas mariage forcé? », Radio Okapi. [Date de consultation : 16 mars 2012]

Peterman, Amber, Tia Palermo et Caryn Bredenkamp. Juin 2011. « Estimates and Determinants of Sexual Violence Against Women in the Democratic Republic of Congo ». American Journal of Public Health. Vol. 101, no 6. [Date de consultation : 15 mars 2012]

Le Potentiel [Kinshasa]. 23 avril 2009. « Bas-Congo : des policiers vendent des filles aux militaires angolais ». [Date de consultation : 15 mars 2012]

La Prosperité [Kinshasa]. 25 juin 2010. Léonard Muamba Ngamba Malu. « Congo-Kinshasa : campagne contre le mariage précoce et la poliomyélite milite ». [Date de consultation : 16 mars 2012]

Radio Okapi. 27 décembre 2010. « Bunia : campagne de lutte contre les violences à l’égard des filles mineures ». [Date de consultation : 16 mars 2012]

_____. 28 janvier 2009. « Tshela : des policiers accusés de “vente” des filles mineures à des soldats angolais ». [Date de consultation : 16 mars 2012]

_____. S.d. « A propos ». [Date de consultation : 12 mars 2012]

République démocratique du Congo (RDC). 2006. Loi no 06/018 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais. [Date de consultation : 15 mars 2012]

_____. 1987 (version modifiée en 2003). Code de la famille. [Date de consultation : 16 mars 2012]

Réseau des femmes pour la défense des droits et la paix (RFDP). 1er mars 2012. Entretien téléphonique avec une représentante.

Réseau des femmes pour un développement associatif (RFDA). 24 février 2012. Entretien téléphonique avec une représentante.

XE. 16 mars 2012a. « Currency Converter Widget ». [Date de consultation : 16 mars 2012]

_____. 16 mars 2012b. « Currency Converter Widget ». [Date de consultation : 16 mars 2012]

Autres sources consultées

Sources orales : Des représentants de Solidarity with the Victims and for Peace et d’Actions des Femmes pour le Développement, et un chercheur à l’Université d’Ottawa n’ont pu fournir de renseignements dans les délais voulus. Les tentatives faites pour joindre des représentants des Héritiers de la Justice, de l’Éveil de la Femme, et du Panzi Hospital ont été infructueuses.

Sites Internet, y compris : Africa Canada Accountability Coalition; l’Afrique pour les droits des femmes; AllAfrica; Amnesty International; Avocats sans frontières; Campagne des femmes congolaises contre les violences sexuelles en RDC; Congo Indépendent; CNN.com; direct.cd; Droit-Afrique.com; Droit de la République démocratique du Congo; Forum international des femmes congolaises; Freedom House; GBV Prevention Network; Hot Peach Pages; Jeune Afrique; Kabissa; Nations Unies — Base de données du Secrétaire général de l’ONU sur la violence contre les femmes, Conseil économique et social, Fonds des Nations Unies pour la population; L’Observateur; Power of Peace; Slate Afrique; The World Law Guide; World Legal Information Institute.

Associated documents