The situation of Blacks; the government's attitude toward Blacks in Mauritania (2003-2006) [MRT100984.FE]

Contexte général

Selon l'Agence centrale de renseignement des États-Unis (Central Intelligence Agency - CIA), la population de la Mauritanie était estimée à 3 086 859 habitants en 2005 (États-Unis 10 janv. 2006). Elle était composée en majorité de Beidanes ou Maures blancs d'origine arabe et de Hratines ou Maures noirs (Freedom in the World 2005; voir aussi Country Reports 2004 28 févr. 2004, sect. 5). Dans une comunication écrite, un représentant de SOS Esclaves Mauritanie a fourni les renseignements suivants au sujet des deux groupes qui composent la population noire de Mauritanie :

Les Hratine ou descendants d'esclaves (environ 45 à 50 % de la population) sont d'origine noire africaine mais de culture arabe, après des siècles d'assimilation par leurs maîtres Maures blancs ou Arabo-berbères (dits, aussi, Bidhane Beydane). Ils subissent, quelles que soient leurs compétences, une chaîne de discrimination matérielle et symbolique, qui les accompagne durant toute la vie; celle-ci relève, surtout, des traditions de caste mais se retrouve perpétuée, reproduite par l'appareil d'État, seul pourvoyeur de richesse et détenu par les descendants de maîtres : exclusion des marchés publics, des licences de pêche, endogamie quasi forcée, absence de droit du travail, faible degré d'instruction et d'inscription sur les listes électorales, forte mortalité infantile et fort taux de natalité, peu de diplômés supérieurs, mise en marge de la haute fonction publique, de la diplomatie, de la magistrature et du commandement militaire.
En tant que groupe socio-ethnnique différencié, les Hratine n'ont, cependant, jamais subi de répression collective.
[...]
Les Négro-africains comptent, par ordre d'importance croissante, trois identités linguistiques : Wolofs, Soninké, Hall Pullaren (dits Toucouluers ou Peulhs). Ils sont évalués à moins de 25% de la population.
Après les Arabo-berbères, ils étaient la deuxième entité au partage du pouvoir, dès l'indépendance, en 1960; depuis, à cause des politiques d'arabisation, il n'ont cessé de perdre du terrain; [...]. Aujourd'hui, après les massacres et déportations de masse de 1989-1991, les Négro-africains subissent les mêmes discriminations que les Hratine [...] et vivent dans la hantise de nouvelles exactions collectives.(5 févr. 2006).

Attitude du gouvernement mauritanien envers les citoyens noirs

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un représentant de SOS Esclaves Mauritanie a indiqué que «la situation des Noirs de Mauritanie, [...] , n'a pas évolué vers davantage d'émancipation; le coup d'État du 3 août 2005 n'apporte pas encore des réponses spécifiques à la problématique du racisme» (5 févr. 2006).

Le document soumis en 2004 par le Forum des organisations nationales de défense des droits de l'homme (FONADH) à la suite du rapport présenté par le gouvernement mauritanien au Comité pour l'élimination de la discrimination raciale (CEDR) des Nations Unies indiquait que les minorités ethniques vivaient toujours la discrimination en Mauritanie (juill. 2004; voir aussi Country Reports 2005 8 mars 2006, sect. 5). Selon un rapport publié en 2004 par la Coalition contre l'utilisation des enfants soldats (Coalition to Stop the Use of Childsoldiers), la discrimination à l'endroit des enfants faisant partie de groupes minoritaires se poursuit. Le rapport du FONADH présente les grandes lignes de la situation de la population noire en Mauritanie (juill. 2004). Vous trouverez ci-dessous une liste non exhaustive des points importants de ce rapport :

Droit à un emploi

[...] Dans le domaine privé, il suffit de se reporter à la composition des fédérations sectorielles (manière de corporations des métiers) qui composent la Confédération Nationale des Employeurs de Mauritanie (CNEM); aucune n'est présidée par un hartani ou un négro-africain; le leader du patronat a toujours été bidhani. [...] si les ouvriers des deux secteurs [agriculture et pêche] se recrutent toujours et massivement selon cette règle historique, les coopératives et sociétés les plus importantes sont contrôlées par des bidhane, la plupart issus de régions arides du Nord.
[...]
Les mauritaniens, issus des composantes marginalisées (Hratine et négro-africains) récoltent à peine les miettes dans le partage illégal des ressources. Aussi bien au niveau de la distribution des marchés publics, du financement des projets de développement, que par la répartition et l'exécution des travaux d'intérêt collectif, (infrastructures de base, services essentiels : eau, santé, écoles, logement), les prestataires non bidhane se comptent sur les doigts de la main et servent, le cas échéant, de soustraitants à des entreprises confortées par le système de discrimination décrit précédemment. Même les rares élus parmi eux et la presse indépendante ne peuvent dénoncer ce phénomène, sous peine de tomber sous le coup d'accusations relevant de la sûreté de l'État.
[...]

Droit à être syndiqué et négociation collective

[...]
Il convient de noter, qu'en dépit de la ratification de la Convention 182, relative aux pires formes du travail des enfants, l'État n'a rien entrepris, pour remédier à ce phénomène grave. Les travailleurs domestiques ne bénéficient d'aucune couverture sociale ; pire, ils (elles) font l'objet d'une exploitation sans règles; les litiges avec leurs employeurs se concluent souvent, devant la police, par leur emprisonnement, accompagné de sévices, sur accusations de vol; il importe de préciser que ce genre d'activités, particulièrement ingrates et mal rémunérées, caractérise une main d'œuvre, sans qualification, hratine ou négro-africaine.
[...]

Droit à l'éducation

[...]
L'école publique n'est plus faite que pour les enfants de bidhanes pauvres, de hratine et de négro-africains, en somme la majorité écrasante de la population; les zones rurales où se rassemblent ce deuxième groupe souffrent d'un déficit spécifique; l'importance numérique en augmente la gravité.
[...]
Les enfants Pulaar, Hratine, Soninké, Wolof sont à ce titre doublement discriminés, car la grande pauvreté se compte nettement plus dans leurs rangs. En outre, la politique d'arabisation à outrance dans un pays multiracial et multiculturel, constitue un élément d'exclusion, à la fois de la fonction publique et des services.
[...]
Dans les zones rurales du Fleuve Sénégal, en milieu majoritairement négro africain, les personnes alphabétisées ne représentent que 18% de la population. Ce taux est encore plus faible pour les femmes qui ne sont que 9% à pouvoir lire et écrire une phrase simple.
[...]

Santé [/Sida]

[...]
À cause de leur exposition dense à la misère, les hratine et négro mauritaniens comptent le maximum de victimes. Le [sic] soins pouvant atténuer les effets de cette maladie sont coûteux. Le manque de volonté des autorités et l'inadéquation des stratégies d'information et solidarité créent un malaise social autour des patients. De graves discriminations existent dans la répartition du minimum de traitement disponible et frappent de plein fouet, les populations les plus démunies.
[...]

Un logement décent

[...] le droit au logement n'est pas garanti aux pauvres, victimes de la discrimination par l'argent. Cette privation vitale touche essentiellement les hratine, les pulaar, les soninké et les wolof.
[...]

Reconnaissance culturelle

La Mauritanie est un pays carrefour de civilisation arabe et africaine ayant comme ciment la [r]eligion musulmane. Cependant, la culture africaine (pulaar, soninké, wolof, bambara) n'est pas reconnue même en tant que culture d'« une minorité ». Chaque fois qu'une famille pulaar, soninké ou wolof célèbre un évènement social (mariage, baptême, deuil etc.), elle est soumise à l'autorisation des autorités policières, qui peuvent interrompre, à tout moment, cette cérémonie. Les journées culturelles de ces 3 communautés ne sont autorisées que par la volonté du prince. (FONADH juil. 2004, 5, 8, 10, 12, 15, 17, 18)

Les Country Reports 2005 indiquent que « devant la loi, tous les citoyens de la Mauritanie sont égaux, indépendamment de leur race, de leur origine ethnique, de leur sexe ou de leur statut social » (8 mars 2006, sect. 5). Cependant, dans les faits, les gouvernements auraient favorisé certains personnes « en fonction de [leur] affiliation raciale et tribale, de [leur] statut social et de [leurs] liens politiques » (Country Reports 2005 8 mars 2006, sect. 5). Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale (CERD) des Nations Unies a exprimé son inquiétude en ce qui a trait aux « allégations faisant état de la très faible représentation des Maures noirs et des Négro-Africains dans l'armée, la police, l'administration, le gouvernement et autres institutions de l'État » (10 déc. 2004).

Le 17 juillet 2003, la Mauritanie a adopté la loi n° 2003-025 qui interdit l'esclavage et prévoit la punition des contrevenants (La lettre du mois févr. 2004; Freedom in the World 2005). Aucune information sur l'application de cette loi n'a pu être trouvée parmi les sources consultées par la Direction des recherches. Selon un rapport publié en 2005 par Freedom House, plusieurs Noirs de la Mauritanie vivent toujours en [traduction] « état de servitude ». Le dernier rapport publié par AI indique que l'esclavage est toujours pratiqué en Mauritanie (23 mai 2006). Selon un représentant de SOS Esclaves Mauritanie,

[l]es pratiques esclavagistes, bien que réprimées par la loi et les traités internationaux que la Mauritanie a ratifiés, bénéficient d'une certaine tolérance, de la part des autorités, [...]. Lorsqu'un esclave ose porter plainte contre ses maîtres, il conquiert très souvent sa liberté grâce à la protection des forces de l'ordre mais jamais ses propriétaires ne subissent d'interpellation ni d'enquête, encore moins de poursuites par les tribunaux (5 févr. 2006).

Des informations publiées sur le site Web du Réseau d'information régional intégré des Nations Unies (Integrated Regional Information Network - IRIN ) et sur le site du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale indiquent que les réfugiés mauritaniens noirs au Mali et au Sénégal qui rentrent en Mauritanie éprouvent souvent de la difficulté à retrouver leurs biens et leur emploi (Nations Unies 22 sept. 2005; ibid. 10 déc. 2005). Les exilés revendiquaient « un retour dans la dignité sous l'égide des Nations Unies et d'autres organisations internationales » (ibid. 22 sept. 2005). Selon un représentant de SOS Esclaves Mauritanie, « le Gouvernement de transition ne les empêche pas de revenir mais leur demande de prouver leur "mauritanité"; or, la plupart, lors de leur exode forcé en 1989-1991, avaient été dépouillés de leurs pièces d'état-civil » (5 févr. 2006).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais prescrits. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous la liste des autres sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Références


Amnesty International (AI). 23 mai 2006. « Africa : Mauritania ». Report 2006. http://web.amnesty.org/report2006/mrt-summary-eng [Date de consultation : 30 mai 2006]

Coalition to Stop the Use of Childsoldiers. 2004. « Mauritania ». Child Soldiers Country Report 2004. http://www.child-soldiers.org/document_get.php?id=785 [Date de consultation : 12 janv. 2006]

Country Reports on Human Rights Practices for 2005. 8 mars 2006. « Mauritania ». États-Unis. Department of State. http://www.state.gov/g/drl/rls/hrrpt/2005/61581.htm [Date de consultation : 30 mai 2006]

Country Reports on Human Rights Practices for 2004. 28 février 2005. « Mauritania ». États-Unis. Department of State. http://www.state.gov/g/drl/rls/hrrpt/2004/41615.htm [Date de consultation : 12 janv. 2006]

États Unis. 10 janvier 2006. Central Intelligence Agency (CIA). The World Factbook. « Mauritania ». http://www.cia.gov/cia/publications/factbook/geos/mr.html [Date de consultation : 19 janv. 2006]

Forum des organisations nationales de défense des droits de l'homme (FONADH). Juillet 2004. « Rapport alternatif du Forum des organisations nationales de défense des droits de l'homme (FONADH) ». (Organisation Mondiale contre la Torture (OMCT)). http://www.omct.org/pdf/general/2004/divers/mauritanie_rap_altern_pour_le_cerd_04_fr.pdf [Date de consultation : 12 janv. 2006]

Freedom House. 2005. « Mauritania ». Freedom in the World. http://65.110.85.181/inc/content/pubs/fiw/inc_country_detail.cfm?country=6788&pf [Date de consultation : 12 janv. 2006]

La lettre du mois. Février 2004. N° 124. Dominique Sevet. « Mauritanie : persitance de l'esclavage ». http://www.aedh.org/LM/N%B0%20124%20f%E9vrier.pdf [Date de consultation : 19 janv. 2006]

Nations Unies. 22 septembre 2005. Réseau d'information régional intégré - Africa (IRIN-PlusNews). « Mauritanie: L'espoir d'un retour au pays après seize années d'exil ». http://www.irinnews.org/FrenchReport.asp?ReportID=6349&SelectRegion=Afrique_de_l'ouest&SelectCountry=Mauritanie [Date de consultation : 20 janv. 2006]

_____. 10 décembre 2004. Comité pour l'élimination de la discrimination raciale. Observations finales du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale : Mauritania. (CERD/C/65/CO/5). http://www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf/0/43a5f5d43ba3ea7cc1256efb002eaf7a?Opendocument [Date de consultation : 12 janv. 2006]

SOS Esclaves Mauritanie. 5 fév. 2006. Communication écrite envoyée par un représentant.

Autres sources consultées


Sites Internet, y compris: Africatime.com, Africultures,

BBC News, Groupe d'étude et de recherche sur la démocratie et le développement économique et social, Human Rights Internet, Human Rights Watch, International Committee of the Red Cross (ICRC), International Federation for Human Rights (FIDH), IRINNews.org, Minorities at Risk Project, Organisation internationale de la Francophonie (OIF), ReliefWeb.

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