Rwanda: Le meurtre d’un opposant est la dernière attaque en date contre des détracteurs du gouvernement

Les dirigeants mondiaux réunis à l’ONU devraient appeler à l’ouverture d’enquêtes crédibles

(New York) – Les partenaires internationaux du Rwanda et le Secrétaire général de l’ONU devraient demander l’ouverture d’enquêtes transparentes et crédibles sur les récents décès et disparitions de membres de l’opposition, lorsqu’ils rencontreront le président Paul Kagame. Kagame doit prendre la parole le 24 septembre devant la 74èmeAssemblée générale des Nations Unies .

La dernière victime au Rwanda a été tuée à coups de couteau le 23 septembre. Vers 21 heures, deux hommes non identifiés ont tué Syldio Dusabumuremyi, coordinateur national du parti non accrédité des Forces démocratiques unifiées (FDU)-Inkingi, alors qu’il travaillait au magasin du centre de santé de Shyogwe, dans le district de Muhanga, dans la province du Sud, a annoncé son parti.

«Sur la scène internationale, le Rwanda est considéré comme un modèle dans les domaines de la loi et de l’ordre, mais nous assistons à une vague d’attaques violentes et effrontées contre des membres de l’opposition, et qui restent impunies », a déclaré Lewis Mudge , directeur pour l’Afrique centrale à Human Rights Watch. «Le contraste est saisissant.»

Au moins trois autres membres des FDU-Inkingi sont morts ou ont disparu au Rwanda depuis un an. Les autorités ont manqué de mener des enquêtes transparentes et crédibles et de faire rendre des comptes aux responsables.

Le Bureau d’enquêtes rwandais (Rwanda Investigation Bureau, RIB) a posté sur Twitter une confirmation du meurtre de Dusabumuremyi par deux personnes non identifiées le 24 septembre et a annoncé avoir arrêté deux suspects. Le 14 septembre, Kagame a prononcé un discours au congrès de son parti, le Front patriotique rwandais (FPR). S’exprimant en kinyarwanda, il a dit : «Ces personnes que j’ai graciées et qui étaient en prison, maintenant elles crient... Laissez-les, elles peuvent bien aller mourir ailleurs … elles ne devraient pas ralentir notre développement…»

Kagame faisait très probablement allusion à la présidente des FDU-Inkingi, Victoire Ingabire, qui a été libérée de prison en septembre 2018 après que le président Kagame eut amnistié 2 000 détenus, dont elle faisait partie. Elle avait purgé 8 ans d’une peine de 15 ans de prison pour complot visant à porter atteinte au pouvoir établi ainsi que négation du génocide après avoir tenté de se présenter à l’élection présidentielle de 2010.

Depuis lors, on a observé une augmentation du nombre de morts et de disparitions suspectes parmi ses collègues. En juillet, Eugène Ndereyimana , membre des FDU-Inkingi, a été porté disparu par ses collègues qui avaient constaté qu’il n’était pas arrivé à une réunion à Nyagatare, dans la province de l’Est du Rwanda. En mars, Anselme Mutuyimana , l’assistant de Victoire Ingabire, a été trouvé mort dans une forêt dans le nord-ouest du Rwanda, son corps présentant des signes d’étranglement. Bien que le RIB ait annoncé qu’il examinait les deux cas, aucun résultat de l’enquête n’a été communiqué ou rendu public.

En octobre 2018, le chef adjoint des FDU-Inkingi, Boniface Twagirimana, «a disparu » de sa cellule de prison à Mpanga, dans le sud du Rwanda. Il avait été inculpé, en compagnie de plusieurs autres membres du parti, d’atteintes à la sûreté de l’État et la dernière fois qu’il a été vu, il se trouvait aux mains des autorités.

Les autorités ont rarement tenté de cacher leur approbation des incidents dans lesquels l’opposition était visée. Parfois, elles se sont même ouvertement félicitées de ces meurtres violents . Ce mois-ci, la justice sud-africaine a émis des mandats d’arrêt à l’encontre de deux Rwandais considérés comment étant liés à l’implication du gouvernement rwandais, pour le meurtre du colonel Patrick Karegeya, un critique en vue du régime trouvé mort dans sa chambre d’hôtel à Johannesburg le 1er janvier 2014. À l’époque, Paul Kagame n’était pas loin de cautionner le meurtre de Karegeya lors d’un discours public : « Toute personne toujours en vie qui pourrait conspirer contre le Rwanda, qui qu’il ou elle soit, en paiera le prix... Qui qu’il ou elle soit, c’est une question de temps.»

«Les partenaires et les bailleurs de fonds du Rwanda devraient poser des questions au sujet du sort des personnes qui essayent de critiquer le gouvernement ou ses politiques », a affirmé Lewis Mudge. «Sans cela, les opposants ou les détracteurs de l’État continueront probablement à être retrouvés morts ou portés disparus.»

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