Haïti : information sur la situation et le traitement des survivants de violence sexuelle et de violence familiale, y compris la stigmatisation et la revictimisation (2018-août 2020) [HTI200228.EF]

Direction des recherches, Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada

1. Violence sexuelle et familiale

Des sources signalent que, en Haïti, la violence fondée sur le sexe est [traduction] « omniprésente » (INURED 18 juin 2020) ou [traduction] « répandue » (HRW 14 janv. 2020).

Selon un rapport au sujet d’une mission réalisée du 26 mars au 7 avril 2017 en Haïti par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) avec la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) :

Dans un tel contexte de « féminisation de la pauvreté », les femmes victimes de violences se retrouvent démunies face à leurs agresseurs. D’une part, les violences domestiques sont tolérées et considérées comme normales par la société, d’autre part, les violences sexuelles commises par des individus extérieurs à l’entourage de la victime sont également très répandues. Utilisées comme une arme de contrôle et de répression de la population durant la période duvaliériste, elles sont commises aujourd’hui par des gangs armés qui assurent ainsi leur hégémonie sur certains territoires. Ces pratiques sont particulièrement visibles dans les zones métropolitaines défavorisées (France 2017, 53).

Des sources font observer que la violence familiale à l’endroit des femmes est [traduction] « courante » (É.-U. 11 mars 2020, 18) ou « répandue » (Freedom House 4 mars 2020). Le rapport de l’OFPRA, citant des représentants d’ONG haïtiennes, explique ceci : « Les violences domestiques constituent un véritable problème sociétal. Elles sont recensées au sein de toutes les couches sociales, et particulièrement répandues dans les zones paupérisées de Port-au-Prince ainsi que dans les zones rurales reculées, telles que le département du Plateau central et celui de la Grand’Anse » (France 2017, 54).

Selon la sixième Enquête Mortalité, Morbidité et Utilisation des Services, EMMUS-VI 2016-2017 publiée par l’Institut haïtien de l’enfance (IHE), une ONG haïtienne (IHE s.d.), et par ICF, l’organisme responsable du programme international des enquêtes démographiques et de santé (Demographic and Health Surveys – DHS) de l’Agence américaine pour le développement international (United States Agency for International Development – USAID), « [v]ingt-neuf pourcent (29 %) des femmes âgées de 15-49 ans ont subi des actes de violence physique depuis l’âge de 15 ans. Parmi les femmes non célibataires, cette violence a été perpétrée, dans 45 % des cas, par le mari/partenaire actuel » (IHE et ICF juill. 2018, xxi, 389). En outre, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dans son indice des institutions sociales et de l’égalité homme-femme (Social Institutions and Gender Index – SIGI), souligne que 21 p. 100 des femmes feront l’objet de violence familiale dans leur vie, et que 59 p. 100 des femmes justifient la violence familiale (OCDE 7 déc. 2018, 1). On peut lire ce qui suit dans un rapport publié en 2017 par Médecins sans frontières (MSF) au sujet de la violence sexuelle ou fondée sur le sexe perpétrée à l’endroit des jeunes en Haïti, qui fait état de données recueillies de 2015 à 2017 à sa clinique spécialisée Pran Men’m (« prends ma main » en créole haïtien) de Port-au-Prince, laquelle prodigue des soins médicaux et psychosociaux aux personnes touchées par la violence sexuelle ou fondée sur le sexe, [version française de MSF] :« [p]lus de 83 % des patients soignés [à la clinique] de mai 2015 à mars 2017 sont des victimes de viol, et 83 % d’entre eux ont moins de 25 ans » (MSF juill. 2017, 7).

Pour obtenir des renseignements additionnels au sujet de la violence physique, sexuelle et familiale perpétrée à l’endroit des femmes en Haïti, y compris des statistiques, veuillez consulter la réponse à la demande d’information HTI106291 publiée en juin 2019.

1.1 Signalement

Au cours d’un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, une représentante de MSF [1], qui participe à la mission de MSF axée sur la violence sexuelle ou fondée sur le sexe en Haïti, a souligné que le sous-signalement des cas constitue un gros problème, attribuable à la difficulté du processus, à la stigmatisation associée aux victimes de violence sexuelle et à la revictimisation (MSF 7 août 2020). Selon la même source, les certificats médicaux requis pour le processus judiciaire peuvent être difficiles à obtenir, surtout dans les régions rurales (MSF 7 août 2020). Les certificats médicaux sont plus faciles à obtenir dans les plus grandes municipalités et les centres urbains (MSF 7 août 2020). En outre, dans les cas de violence infligée par un partenaire intime, la victime serait tenue de payer le certificat, parce que ce type de violence n’est pas reconnu [comme une infraction criminelle] (MSF 7 août 2020). Si le cas est jugé ne pas appartenir à la catégorie de la violence infligée par un partenaire intime, la victime devrait être en mesure d’obtenir un certificat médical par l’intermédiaire du ministère de la Santé, bien que ce [traduction] « ne soit pas toujours le cas » (MSF 7 août 2020). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a trouvé aucun renseignement additionnel sur le processus de signalement de la violence sexuelle, y compris les exigences relatives à l’obtention de certificats médicaux.

Citant une étude réalisée en 2013 par le PNUD sur l’aide juridique offerte aux femmes victimes de violence fondée sur le sexe en Haïti, l’OCDE explique ce qui suit :

[traduction]

[l]e signalement du viol semble présenter un défi pour les survivantes. Selon le PNUD, des certificats médicaux sont requis pour établir un rapport de police, et les juges tendent à régler les affaires de viol à l’amiable, même si ces deux pratiques ont été abrogées à l’article 91 d’un décret approuvé en 1995. L’étude met aussi en lumière l’enjeu que pose le fait que les tribunaux et les familles et survivantes tendent à préférer des solutions à l’amiable (OCDE 7 déc. 2018, 5).

Selon les Country Reports on Human Rights Practices for 2019 du Département d’État des États-Unis, [traduction] « [i]l a été signalé que, dans les régions rurales, les affaires criminelles, y compris celles de violence sexuelle, étaient réglées à l’extérieur du système de justice » et que, d’après la mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH) et d’autres observateurs de l’appareil judiciaire, « les procureurs encourageaient souvent ce genre de règlement » (É.-U. 11 mars 2020, 19).

2. Traitement, stigmatisation et revictimisation

Il est écrit dans les Country Reports 2019 des États-Unis que [traduction] « [m]ême si les femmes étaient plus susceptibles de signaler les cas de violence sexuelle et familiale que dans le passé, des organisations de la société civile ont fait savoir que de nombreuses victimes ne signalaient pas ces cas parce qu’elles ne disposent pas des ressources financières pour le faire » (É.-U. 11 mars 2020, 19). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un représentant de l’Institut interuniversitaire pour la recherche et le développement (INURED), un groupe de réflexion de Port-au-Prince dont la mission consiste à [traduction] « contribuer au développement de la recherche et de la formation scientifique de haut niveau en Haïti » (INURED s.d.), a déclaré que, même si le viol est illégal, les victimes de viol cherchent rarement à intenter des actions en justice en raison de la honte et du blâme jeté sur elles, et parfois du harcèlement (INURED 18 juin 2020). De même, il ressort du rapport de MSF que les incidents de violence sexuelle ou fondée sur le sexe sont un problème [version française de MSF] « probablement sous-estimé [en raison de l]a honte que peuvent ressentir les victimes, la stigmatisation qu’elles peuvent subir, sans compter la peur de représailles de la part de leurs agresseurs ou même au sein de leurs communautés » (MSF juill. 2017, 5). La représentante de MSF a ajouté que les membres de la famille de la victime et sa communauté peuvent représenter le facteur le plus important en matière de stigmatisation (MSF 7 août 2020). Les victimes ne sont souvent pas disposées à relater leur expérience en raison de la stigmatisation qui y est associée, mais aussi en raison de la façon dont cette expérience vient imprégner leur vie (MSF 7 août 2020). La stigmatisation associée à la violence sexuelle, au viol et à la violence infligée par un partenaire intime peut ruiner l’avenir de la victime quand on pense à l’isolement social, au rejet, à un futur mariage, à un mariage actuel et à l’emploi (MSF 7 août 2020).

Il ressort du rapport de l’OFPRA que plusieurs membres d’organisations de femmes recevaient des « menaces récurrentes », y compris les membres de la Commission des femmes victimes pour les victimes (Komisyon Fanm Viktim pou Viktim – KOFAVIV) [une organisation de Port-au-Prince qui vient en aide aux victimes de viol (KOFAVIV s.d.)] et celles du Groupe d’appui au développement du Sud (GADES) [une organisation en Haïti qui appuie les organisations communautaires de femmes et fournit [traduction] « des conseils juridiques et de l’aide médicale aux personnes touchées par la violence » (É.-U. s.d.)] (France 2017, 58). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

Le représentant de l’INURED a déclaré, sans fournir d’autres détails, que la revictimisation est très courante (INURED 18 juin 2020). De même, la représentante de MSF a précisé que la revictimisation est l’un des principaux problèmes des victimes de violence sexuelle (MSF 7 août 2020). Comme il s’agit d’une tendance sociale très généralisée que de blâmer la victime de violence sexuelle, celles qui osent s’avancer feront vraisemblablement l’objet de représailles (MSF 7 août 2020). La culpabilité est jetée sur la survivante, qui devra vraisemblablement composer avec un traumatisme psychologique et de la peur (MSF 7 août 2020). Ces femmes sont également revictimisées, en ce sens qu’elles sont jugées inférieures et dévalorisées dans la société; elles peuvent être l’objet de ragots, d’insultes et de blagues susceptibles d’avoir une incidence sur leur estime de soi, leur sentiment d’utilité et leur santé mentale (MSF 7 août 2020). En ce qui concerne les viols commis par des criminels ou des gangs, ou les enlèvements (à la hausse depuis 2019), il y a de fortes chances que la victime subisse des représailles de la part du même auteur ou des mêmes auteurs si elle procède à une dénonciation (MSF 7 août 2020).

Il est précisé dans le rapport de MSF que le fait d’être victime de violence sexuelle à l’enfance est un facteur de risque de violence à l’âge adulte (MSF juill. 2017, 15). La même source fait observer que [version française de MSF] « [l]a proximité avec les agresseurs empêche souvent les victimes de retourner chez elles dans leurs communautés après le viol, car elles risquent d’être exposées à davantage de violence » (MSF juill. 2017, 21). La représentante de MSF a en outre déclaré qu’un important pourcentage de victimes de violence sexuelle sont des mineures (de moins de 18 ans), et qu’elles connaissent souvent leurs agresseurs (MSF 7 août 2020). Cela peut empêcher les victimes de retourner dans leur communauté ou dans leur maison, où est survenu le traumatisme et où se trouve l’auteur des sévices (MSF 7 août 2020). En outre, la représentante de MSF a fait observer qu’il arrive souvent que les survivantes soient privées du droit de réintégrer le domicile/la famille, ces femmes pouvant même être rejetées par leur époux en raison du blâme jeté sur les victimes (MSF 7 août 2020). Elles deviennent isolées et ont très peu d’occasions de réintégrer leur communauté ou leur famille (MSF 7 août 2020).

La représentante de MSF a déclaré qu’il y a des groupes à haut risque associés à la violence sexuelle, y compris les enfants, les adolescents, les personnes à faible revenu, les travailleuses du sexe et les travailleurs juvéniles (MSF 7 août 2020). Plus particulièrement, dans les cliniques MSF de Port-au-Prince, il y a aussi les groupes à haut risque suivants : communauté LGBTQ, survivants de sexe masculin, victimes de violence de la part d’un partenaire intime, restaveks [enfants qui sont des travailleurs domestiques dans un [traduction] « genre d’esclavage moderne » (Restavek Freedom s.d.)], et prisonnières (MSF 7 août 2020). La représentante de MSF a également expliqué qu’il est difficile de savoir à quel point la violence sexuelle est répandue chez les victimes de sexe masculin, car il est rare pour elles de se dévoiler et, s’il leur arrive de le faire, elles auraient peu de possibilités d’obtenir des soins médicaux ou d’accéder au système judiciaire, voire aucune (MSF 7 août 2020).

3. Lois et mesures prises par l’État

Des sources signalent qu’il n’existe pas de lois pour enrayer la violence familiale (Freedom House 4 mars 2020; É.-U. 11 mars 2020, 18; OCDE 7 déc. 2018) ou la violence à l’endroit des femmes (OCDE 7 déc. 2018). Pour obtenir des renseignements additionnels au sujet des lois concernant la violence faite aux femmes, veuillez consulter la section 2 de la réponse à la demande d’information HTI106291 de juin 2019.

Selon Freedom House, [traduction] « la violence familiale et le viol ne sont pas toujours signalés et donnent rarement lieu à des poursuites judiciaires, les responsables de la justice favorisant souvent la réconciliation ou d’autres formes de règlement » (Freedom House 4 mars 2020). Le représentant de l’INURED a déclaré que [traduction] « [s]elon une base de données constituée à partir de dossiers fournis par le ministère de la Justice et de la Sécurité publique à la section de la MINUSTAH s’occupant de droits de la personne, le nombre moyen de viols “signalés” dans tout le pays est de 250 par 10 000 habitants, mais le nombre réel est au moins 10 fois plus élevés » (INURED 18 juin 2020). En outre, il ressort des Country Reports 2019 des États-Unis que [traduction] « [l]es juges remettaient souvent en liberté les suspects arrêtés pour violence familiale et pour viol » et que « [l]es victimes de viol et d’autres formes de violence sexuelle devaient surmonter des obstacles de taille dans leur quête d’obtenir justice par la voie de l’appareil judiciaire » (É.-U. 11 mars 2020, 18, 19).

Le représentant de l’INURED a déclaré que [traduction] « le viol conjugal n’est pas reconnu comme étant un crime puisqu’il en va de “l’obligation” matrimoniale de la femme d’avoir des relations sexuelles avec son époux » (INURED 18 juin 2020). D’après l’enquête EMMUS-VI, 53 p. 100 des femmes non célibataires participantes ont répondu qu’elles pouvaient refuser d’avoir des relations sexuelles avec leur partenaire lorsqu’elles ne voulaient pas en avoir (IHE et ICF juill. 2018, 366). Les Country Reports 2019 des États-Unis font état des renseignements suivants :

[traduction]

La loi interdit le viol d’hommes et de femmes, mais ne reconnait pas le viol conjugal comme étant un crime. La peine minimale pour viol est 10 années de travaux forcés. Dans les cas de viol collectif, la peine maximale en est une de travaux forcés à vie. En réalité, les sentences étaient souvent moins sévères. Le code pénal excuse un époux qui tue sa femme, son partenaire ou les deux lorsque découverts en situation d’adultère dans le domicile de l’époux, mais une femme qui tue son époux dans des circonstances similaires peut faire l’objet de poursuites judiciaires (É.-U. 11 mars 2020, 18).

Amnesty International signale que, en avril 2017, [version française d’Amnesty International] « le gouvernement a présenté devant le Parlement une proposition de réforme exhaustive du Code pénal, contenant de nouvelles dispositions pour lutter contre les violences sexuelles et prévoyant notamment la criminalisation du viol conjugal » (Amnesty International 22 févr. 2018). Cependant, d’après le rapport annuel de 2019 de Human Rights Watch (HRW),

[version française de Human Rights Watch]

[t]rès peu d’avancées ont été enregistrées en ce qui concerne l’adoption d’une réforme du Code pénal proposée au Parlement en avril 2017 visant à combler certaines de ces lacunes en matière de protection. Ce projet de réforme inclut également la dépénalisation partielle de l’avortement, qui est actuellement interdit, quelles que soient les circonstances, y compris dans les affaires de violence sexuelle (HRW 14 janv. 2020).

Le représentant de l’INURED a déclaré ceci :

[traduction]

[d]urant les enquêtes et les instances judiciaires, les victimes sont systématiquement questionnées au sujet de leur virginité ou des vêtements qu’elles portaient au moment de l’agression, insinuant qu’elles pourraient avoir un rôle à jouer dans le crime. En outre, les directives de détermination des peines ne sont souvent pas appliquées, ce qui donne lieu à des sentences plus clémentes pour les auteurs (INURED 18 juin 2020).

Le représentant de l’INURED a précisé que l’information trouvée dans une étude menée par la MINUSTAH en 2013 montre que [traduction] « seulement 47 p. 100 des plaintes pour agression sexuelle faites durant cette année ont mené à une enquête » (INURED 18 juin 2020).

D’après une note de Marianne Tøraasen, doctorante s’intéressant à la question des femmes juges en Haïti, publiée par le Chr. Michelsen Institute (CMI), un [traduction] « institut norvégien indépendant de recherches sur le développement » (CMI s.d.),

[traduction]

[t]rès peu de fonds sont affectés à l’appareil judiciaire dans le budget de l’État, et l’une des conséquences qui en découle est que les juges ne sont pas en mesure de faire ce qu’ils sont censés faire. Comme l’a affirmé un juge : « Il nous arrive même de ne pas disposer du papier dont nous avons besoin pour convoquer les gens qui doivent se présenter devant les tribunaux. » En outre, des juges signalent que la conservation, l’analyse et l’utilisation de preuves médico-légales sont largement sous-développées, ce qui nuit au processus de collecte d’éléments de preuve dans les cas de violence fondée sur le sexe.

Cela a notamment pour conséquence de créer un arriéré de cas colossal. Cette situation, qui s’ajoute aux faibles salaires des juges, devient un moteur de corruption, présente dans tout le système de justice haïtien. Ceux qui peuvent payer un peu plus et qui sont disposés à le faire voient leur cas traité en priorité. En fait, selon le 2014 Haiti Human Rights Report du Département d’État des États-Unis, « les pots-de-vin étaient souvent le principal facteur dans la décision d’un juge d’instruire une affaire » pour ce qui est des tribunaux inférieurs. Cette situation influe de façon disproportionnée sur les victimes de violence les plus démunies, et peut même amener les victimes non représentées qui connaissent peu le système à abandonner leurs recours (Tøraasen 2019).

4. Services de soutien

Il est écrit dans les Country Reports 2019 des États-Unis que [traduction] « [l]es victimes de viol et d’autres formes de violence sexuelle devaient faire face à des obstacles de taille pour […] accéder aux services de protection comme les refuges pour femmes » (É.-U. 11 mars 2020, 19). Il ressort du rapport publié en 2017 par MSF que, bien que [version française de MSF] « MSF travaille avec un réseau d’organisations locales qui fournissent des services sociaux et de protection » destinés aux femmes et aux enfants victimes de violence, il y a un [traduction] « manque de refuges et de foyers de séjour de courte durée pour les survivants » (MSF juill. 2017, 21). La même source ajoute ceci :

[version française de MSF]

De tous les patients soignés à la clinique Pran Men’m entre mai 2015 et mars 2017, 67 % ont besoin d’assistance sociale. 49 % ont besoin de protection (par exemple un hébergement sûr, ou encore des services de protection de l’enfance), et 28 % sont référés à des services d’aide juridique pour porter plainte contre les agresseurs. Malgré les besoins, les services sociaux et de protection de l’enfance sont souvent limités par un manque de financement à long terme et l’absence de mécanismes de référencement adéquats pour assurer la prise en charge globale des victimes (MSF juill. 2017, 21).

Selon un rapport publié en 2017 par le Copenhagen Consensus Center [2], les services offerts aux victimes de violence infligée par un partenaire intime comprennent :

[traduction]

  1. Refuges dans quatre (4) départements du pays (Nord, Nord-Est, Sud-Est et Ouest) pour héberger les femmes victimes de violence. Le refuge dans l’Ouest a été détruit lors du séisme du 12 janvier 2010 et le ministère à la Condition Féminine et aux Droits des femmes (MCFDF) tente actuellement de lever des fonds en vue de la construction d’un nouveau refuge. Des services médico-légaux, psychosociaux, juridiques et sociaux sont dispensés dans ces refuges, qui sont tous gérés par des organisations de femmes, le MCFDF assurant un rôle de coordination.
  2. Aide juridique destinée aux survivants de violence infligée par un partenaire intime pour signaler les plaintes aux autorités. Le Bureau d’assistance légale relève du ministère de la Justice, mais il est uniquement opérationnel dans la région de Port-au-Prince. Des organisations de la société civile fournissent également de l’aide juridique aux survivants de violence infligée par un partenaire intime et les accompagnent souvent au commissariat de police et en cour. Toutefois, bon nombre des représentants de ces organisations n’ont aucune formation juridique (PNUD, 2014).
  3. Traitement médical et counseling psychologique pour les victimes de viol ou d’agression sexuelle. De nombreuses organisations de la société civile et cliniques offrent une aide médicale d’urgence dans les 72 heures suivant une agression ainsi que des soins médicaux et psychologiques à long terme. Un exemple est la Commission des femmes victimes pour les victimes (KOFAVIV). Haïti a également révisé le formulaire d’enregistrement des cas d’agression sexuelle pour harmoniser la collecte de données dans toutes les cliniques et organisations. Un protocole d’entente a en outre été signé entre le MCFDF et le ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP) aux fins de la délivrance d’un certificat médical gratuit dans les cas d’agression sexuelle.
  4. Campagnes de formation et de sensibilisation. Des organisations de la société civile mènent des activités pour sensibiliser davantage la population quant aux droits des femmes, aux services sociaux, juridiques et médicaux disponibles pour les victimes de violence infligée par un partenaire intime, et aux façons de prévenir les infections transmises sexuellement. Une de ces organisations est Kay[ ]Fanm (Hoeffler, et al. 17 avr. 2017, 12-13, renvoi dans le corps du texte original).

Le rapport de l’OFPRA, citant divers représentants d’ONG et une militante féministe, donne les renseignements suivants sur les organisations communautaires de base :

Femmes combattantes avisées pour le développement d’Haïti (FEMCADH), Fanm Viktim Leve Kanpe (FAVILEK), Komisyon Fanm Viktim pou Viktim (KOFAVIV), Kodinasyon Nasyonal Mwon Vikim Direk (KONAMAVID), Coordination des femmes du Sud (KOFASID), Groupe d’appui au développement du Sud (GADES) sont quelques-unes des organisations communautaires de base travaillant ou ayant travaillé avec les femmes victimes de violences. La plupart sont organisées dans un but de revendication professionnelle ou sociale. Les membres de ces associations sont des femmes peu instruites et souvent elles-mêmes victimes de violences. Elles mènent une action de terrain, souvent circonscrite au territoire dont sont originaires les membres de leur association, et relaient des cas de femmes victimes auprès d’organisations non gouvernementales et internationales avec lesquelles elles sont en relation.

Leur influence est toutefois limitée en raison de leur précarité financière et du manque de continuité de leur action. Leur financement dépend essentiellement des bailleurs de fonds internationaux qui mettent en place des programmes à court terme, ne permettant pas d’inscrire leur action de manière durable sur le territoire. C’est notamment le cas de la FEMCADH, qui a pu bénéficier d’un programme international après le séisme et ne dispose plus aujourd’hui de locaux pour accueillir ses membres. Il existe également un risque « d’instrumentalisation politique » par des acteurs qui utilisent ces organisations dans le seul but d’attirer des fonds provenant des institutions internationales (France 2017, 58).

Pour obtenir des renseignements additionnels au sujet de la protection offerte par l’État et des services de soutien offerts aux femmes victimes de violence, veuillez consulter la réponse à la demande d’information HTI106291 publiée en juin 2019.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l’aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n’apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d’une demande d’asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d’information.

Notes

[1] La représentante de MSF a souligné que l’information fournie est propre à ce qui est observé dans les cliniques de MSF à Port-au-Prince et dans le département de l'Artibonite et que cette situation pourrait se distinguer de celles dans d’autres parties du pays.

[2] Le Copenhagen Consensus Center est un groupe de réflexion qui cherche [traduction] « des solutions aux plus gros problèmes du monde »; son projet « Haïti Priorise » vise à cerner des « priorités intelligentes » pour le pays afin de trouver les solutions les plus efficaces et efficientes à ses problèmes (Copenhagen Consensus Center s.d.). Le rapport a été produit par Anke Hoeffler du Département de sciences économiques de l’Université d’Oxford, également agente de recherche au Centre d’études des économies africaines (Centre for the Study of African Economies); Jean Guy Honoré est du Département de santé mondiale (Department of Global Health) de l’Université de Washington et Anastasia Gage du Département de santé communautaire mondiale et des sciences comportementales (Department of Global Community Health and Behavioral Sciences) de l’Université de Tulane (Hoeffler, et al. 17 avr. 2017).

Références

Amnesty International. 22 février 2018. « Haiti ». Amnesty International Report 2017/18: The State of the World’s Human Rights. [Date de consultation : 8 juin 2020]

Chr. Michelsen Institute (CMI). S.d. « Who We Are ». [Date de consultation : 18 août 2020]

Copenhagen Consensus Centre. S.d. « Our Story ». [Date de consultation : 18 août 2020]

États-Unis (É.-U.). 11 mars 2020. Department of State. « Haiti ». Country Reports on Human Rights Practices for 2019. [Date de consultation : 1er juin 2020]

États-Unis (É.-U.). S.d. Inter-American Foundation (IAF). « Project Description ». [Date de consultation : 18 août 2020]

France. 2017. Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) avec la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Rapport de mission en République d’Haïti du 26 mars au 7 avril 2017. [Date de consultation : 2 juin 2020]

Freedom House. 4 mars 2020. « Haiti ». Freedom in the World 2020. [Date de consultation : 2 juin 2020]

Hoeffler, Anke, Jean Guy Honoré et Anastasia Gage. 17 avril 2017. Domestic Violence in Haiti. Haïti Priorise, Copenhagen Consensus Center. [Date de consultation : 12 juin 2020]

Human Rights Watch (HRW). 14 janvier 2020. « Haiti ». World Report 2020: Events of 2019. [Date de consultation : 10 juin 2020]

Institut haïtien de l’Enfance (IHE) et ICF. Juillet 2018. Haïti: enquête mortalité, morbidité et utilisation des services (EMMUS-VI 2016-2017). [Date de consultation : 6 juin 2020]

Institut interuniversitaire de recherche et de développement (INURED). 18 juin 2020. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par un représentant.

Institut interuniversitaire de recherche et de développement (INURED). S.d. « Mission ». [Date de consultation : 17 juin 2020]

Komisyon Fanm Viktim pou Viktim (KOFAVIV). S.d.a. « Historique ». [Date de consultation : 18 août 2020]

Médecins sans frontières (MSF). 7 août 2020. Entretien téléphonique avec une représentante.

Médecins sans frontières (MSF). Juillet 2017. Against Their Will: Sexual and Gender Based Violence Against Young People in Haiti. [Date de consultation : 12 juin 2020]

Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). 7 décembre 2018. « Haiti ». Social Institutions and Gender Index (SIGI). [Date de consultation : 4 juin 2020]

Restavek Freedom. S.d. « Learn ». [Date de consultation : 18 août 2020]

Tøraasen, Marianne. 2019. Chr. Michelsen Institute (CMI). « The Long Fight Against Impunity for Gender-Based Violence in Haiti ». [Date de consultation : 17 juill. 2020]

Autres sources consultées

Sources orales : Digital Democracy; Haitian Global Health Alliance; professeurs effectuant des travaux de recherche sur la situation des femmes en Haïti.

Sites Internet, y compris : Avocats sans frontières Canada; Banque mondiale; ecoi.net; Equality Now; Factiva; Kay Fanm; Millennium Development Goals Achievement Fund; Nations Unies – ONU Femmes, Organisation mondiale de la santé, Refworld; Reuters; Royaume-Uni – Home Office; Solidarite Fanm Ayisyen.

Verknüpfte Dokumente