République populaire démocratique de Corée : information sur la famine et la malnutrition, y compris les périodes de pénurie de vivres entre 1990 et 2012 [PRK104137.EF]

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

1. Contexte

D’après un document du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), la République populaire démocratique de Corée (Corée du Nord) ne compte [traduction] « que » un million d’hectares de terre arable et doit importer 1,25 million de tonnes de nourriture (janv.2011, paragr.5). Dans un rapport de 2006, Human Rights Watch signale que, selon des spécialistes dans le domaine agroalimentaire, 30 p. 100 des récoltes dans ce pays peuvent être perdues chaque année en raison d’un manque de machinerie, de transport approprié et d’installations d’entreposage, ainsi que des invasions d'insectes ou d'animaux (mai 2006, 17). D’après le Bureau du coordonnateur résident des Nations Unies en Corée du Nord, l’industrie de l’agriculture est une composante importante du produit intérieur brut (PIB) et elle est passée de 30 à 20 p. 100 de 2000 à 2012 (Nations Unies 29 mai 2012, 4). Le Bureau du coordonnateur résident des Nations Unies explique également que les régions du centre, du sud-ouest et du sud-est sont désignées comme le [traduction] « grenier à céréales » du pays, car on y produit la plupart des céréales, contrairement aux provinces du Nord-Est, qui représentent les régions du pays [traduction] « les plus vulnérables et touchées par l’insécurité alimentaire » (ibid., 14). Dans son World Report 2010 - North Korea, Human Rights Watch souligne que le pays est dépourvu de [traduction] « semences de haute qualité, de carburant, de fertilisant, de technologies agricoles avancées et même d’installations d’entreposage convenables » (2010). Dans un rapport de 2010 rédigé par le rapporteur spécial sur la situation des droits de la personne en République populaire démocratique de Corée, on peut lire qu’en 2005, après avoir restreint le système de marché, le gouvernement est revenu au [version française des Nations Unies] « système de distribution publique », principale source de nourriture pour la plupart des habitants (Nations Unies 17 févr. 2010).

D’après le Bureau du coordonnateur résident des Nations Unies, environ 16 millions de personnes sur les 24,1 millions d’habitants au pays se fient au système de distribution publique (Nations Unies 29 mai 2012, 2, 14), soit les deux tiers de la population (Reuters 7 oct.2011). Des représentants nord-coréens consultés par Reuters ont affirmé que la ration quotidienne de vivres standard est de 700 grammes de céréales; toutefois, après l’hiver 2011, elle a été réduite à 400 grammes, puis à 150 grammes en juin 2011, avant d’augmenter à 200 grammes le mois suivant (ibid.). On peut lire dans un rapport de 2011 du Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies, de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) qu’en mars 2011, près de six millions de personnes étaient vulnérables à l’insécurité alimentaire (Nations Unies 24 mars 2011).

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, le directeur général du Comité sur les droits de la personne en Corée du Nord (Committee for Human Rights in North Korea ), dont le siège est à Washington, a expliqué que les pénuries de vivres ont eu une [traduction] « grave » incidence sur la santé de la population nord-coréenne en raison des carences alimentaires qui en ont découlé (Committee for Human Rights in North Korea 6 juill.2012). Les régions où les « songbun » inférieurs vivent ont été particulièrement touchées par la crise alimentaire (ibid.). Le terme « songbun » renvoie à un [traduction] « système de classification » selon lequel la population nord-coréenne est divisée en trois classes, soit les loyaux ou le « noyau », les « indécis » et les « hostiles » (Collins 6 juin 2012, 1; Asia Times 3 déc.2011). D’après Human Rights Watch, ce système de classification détermine l’accès aux éléments indispensables, comme la nourriture et les médicaments, ainsi que l’éducation et l’emploi, et l’État accorde une priorité moindre aux membres de la classe « hostile » (mai 2006, 6). Le directeur général du Comité sur les droits de la personne en Corée du Nord explique que cette pratique est toujours courante (6 juill.2012). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, le directeur adjoint de projet en Asie du Nord-Est de l’International Crisis Group signale que, pour ceux dont la loyauté envers le gouvernement est [traduction] « douteuse » ainsi que pour les enfants et les personnes âgées, la situation alimentaire [traduction] « peut être et est très désastreuse » (International Crisis Group 7 juill.2012).

Les Nations Unies affirment que [traduction] « la négociation par rapport à l’accès en [Corée du Nord] demeure un processus long et difficile » et les régions du pays où aucun organisme humanitaire n’est présent ne bénéficient pas de l’aide des Nations Unies ni de celle d’ONG (Nations Unies 29 mai 2012, 6).

2. Périodes de pénurie de vivres

Des sources signalent qu’en 1991, après l’effondrement de l’Union soviétique, le gouvernement de la Corée du Nord a lancé une campagne intitulée [traduction] « Mangeons deux repas par jour » afin de pallier la diminution accrue de l’aide alimentaire extérieure (Committee for Human Rights in North Korea 6 juill.2012; AlertNet 19 déc.2011). Selon le directeur adjoint de projet de l’International Crisis Group , depuis le début des années 1990, la Corée du Nord est aux prises avec une [traduction] « importante insécurité alimentaire » (7 juill.2012).

Des sources font état d’une famine dans le milieu des années 1990, au cours de laquelle environ 1 million de personnes sont mortes (Reuters 7 oct.2011; Human Rights Watch 12 oct.2006). D’après Human Rights Watch , cette famine a été causée par des facteurs comme le monopole de l’État sur le marché alimentaire, la distribution [traduction] « discriminatoire » de vivres à des segments particuliers de la population, comme la classe dirigeante et les forces armées, la baisse de la production agricole et les catastrophes environnementales (ibid. mai 2006, 1). Par exemple, le Comité sur les droits de la personne en Corée du Nord signale qu’à l’été 1995 et en 1996, le pays a connu des inondations, lesquelles se sont ajoutées à l’érosion du sol et à l’ensablement des rivières causés par la déforestation (2005, 15).

Reuters souligne que, selon des données du Comité populaire (People's Committee ) [traduction] « impossibles à vérifier », à l’été 2010, des tempêtes ont détruit 80 p. 100 du maïs dans le Hwanghae du Sud, province [traduction] « d’où provient principalement la nourriture » (Reuters 7 oct.2011). Des sources signalent que la saison agricole de 2011 a été menacée par les conditions météorologiques (ibid.; Nations Unies 29 mai 2012, 7). Reuters explique que, selon le Comité du peuple, pendant l’hiver cette année-là, 65 p. 100 des récoltes d’orge, de blé et de pommes de terre dans la province du Hwanghae du Sud ont gelé (Reuters 7 oct.2011). Des sources soulignent également que cette même année, à l’été, des pluies diluviennes ont frappé diverses provinces (ibid.; Nations Unies 29 mai 2012, 8), endommageant près de 60 000 hectares de terres arables (ibid.). D’après les Nations Unies, [traduction] « un grand nombre de personnes ont été privées de vivres pendant longtemps de mai à septembre 2011 » (ibid., 7). En janvier 2011, le PNUD a également affirmé que la sécheresse et les dommages dus aux insectes causaient encore [traduction] « problème » (janv.2011, paragr.5). Comme l’a expliqué un analyste en sécurité alimentaire de Médecins sans frontières à Reuters, [traduction] « même des catastrophes naturelles mineures pourraient avoir des conséquences désastreuses » (7 oct.2011).

3. Incidence sur la santé des Nord-Coréens

Selon le directeur adjoint de projet de l’International Crisis Group , [traduction] « les incidences sur la santé publique sont étonnantes [et] les retards de croissance ainsi que la malnutrition sont manifestes dans toutes les régions » de la Corée du Nord où l’organisation s’est rendue à l’été 2012 (7 juill.2012). AlertNet signale que les Nord-Coréens [traduction] « sont forcés de manger des repas plus petits, et ce, moins souvent et d’amasser des aliments sauvages » d’avril à octobre, juste avant les récoltes en automne (19 déc.2011).

En 2009, appuyé par l’UNICEF, le Bureau central des statistiques de la Corée du Nord a entrepris l’Enquête à indicateurs multiples (Multiple Indicator Cluster Survey - MICS 2009) en vue de [traduction] « recueillir des renseignements à jour sur la situation des enfants et des femmes » au pays (République populaire démocratique de Corée déc.2010, 12). Cette enquête a permis de conclure à une insuffisance pondérale modérée chez 19 p. 100 des enfants de moins de 5 ans et grave chez 4 p. 100 d’entre eux (ibid.). Il en est également ressorti que 32 p. 100 des enfants ont un retard de croissance moyen ou qu’ils sont trop petits pour leur âge et que 5 p. 100 sont relativement affaiblis ou trop maigres pour leur âge (ibid.).

La MICS 2009 démontre que près de 19 p. 100 des enfants de moins de 5 ans ont une insuffisance pondérale modérée et que 32,4 p. 100 sont relativement affaiblis (DPKR déc.2010, 31). Une évaluation menée par l’UNICEF dans les 25 comtés les plus touchés par l’insécurité alimentaire de 4 provinces du Nord a montré que la malnutrition aiguë était modérée dans 14,6 p. 100 des cas et sévère dans 2,8 p. 100 des cas, ce qui représente une augmentation par rapport aux 4,7 p. 100 et au 0,5 p. 100 respectifs relevés dans le cadre d’une étude en 2009 (Nations Unies 29 mai 2012, 8). En novembre 2011, le PAM a évalué le tour du bras de 696 enfants âgés de 6 à 59 mois et les résultats ont démontré un taux global de malnutrition grave de 12,5 p. 100 et un taux de malnutrition aiguë de 1.6 p. 100 (ibid., 9). Chez les enfants de moins de deux ans, les pourcentages étaient respectivement de 18,8 et de 4,5 p. 100, ce qui est considéré comme [traduction] « élevé » (ibid.). D’après la Base de données d’urgences complexes (Complex Emergency Database - CE-DAT), initiative internationale de la Faculté de santé publique de l’Université catholique de Louvain à Bruxelles qui surveille et évalue les conditions de santé des populations dans les situations d’urgence (CE-DAT s.d.a), les enfants qui ont été jugés touchés par une malnutrition globale grave sont [traduction] « tous les enfants se trouvant sous les 80 p. 100 de la médiane de l’indice poids-taille, ou souffrant d’œdème, comparativement au poids médian des enfants de même taille dans la population en référence » (ibid. s.d.b). Un taux global de malnutrition grave de plus de 10 p. 100 dans une population est généralement indicateur d’une [traduction] « urgence » (ibid.).

Reuters signale que, selon les indices de santé des Nations Unies, l’espérance de vie des Nord-Coréens est de 11 ans plus courte que celle des Sud-Coréens [traduction] « principalement en raison de la malnutrition » (7 oct.2011).

4. Examen permettant de conclure à une malnutrition par le passé

Pour ce qui est des examens au Canada permettant de déterminer si une personne a souffert de famine par le passé, un professeur adjoint à la Faculté des sciences de la santé de l’Université d’Ottawa a expliqué, lors d’un entretien avec la Direction des recherches, qu’il est [traduction] « très difficile » de déterminer cette situation à l’aide d’un examen, car les indices associés à la famine pourraient aussi résulter d’une maladie (professeur adjoint 9 juill.2012). Il a expliqué que ces examens permettaient d’obtenir l’état de santé actuel d’une personne et que les carences nutritives n’indiquaient pas nécessairement de lien avec la famine (ibid.). Il a conclu que, même lorsqu’une exposition passée à une carence nutritive est soupçonnée, il est difficile de déterminer exactement la période à laquelle elle est survenue (ibid.).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Références

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Asia Times . 3 décembre 2011. Andrei Lankov. « North Korea's New Class System ». <http://www.atimes.com/atimes/Korea/ML03Dg01.html> [Date de consultation : 18 juill.2012]

Collins, Robert. 6 juin 2012. Marked for Life: Songbun, North Korea's Social Classification System . Washington, DC: The Committee for Human Rights in North Korea . <http://hrnk.org/wp-content/uploads/HRNK_Songbun_FINALFINAL.pdf> [Date de consultation : 6 juill.2012]

Committee for Human Rights in North Korea . 6 juillet 2012. Communication écrite du directeur général.

_____. 2005. Hunger and Human Rights: The Politics of Famine in North Korea . <http://works.bepress.com/cgi/viewcontent.cgi?article=1004&context=marcus_noland> [Date de consultation : 18 juill.2012]

Complex Emergency Database (CE-DAT). S.d.a. « About Us ». <http://www.cedat.be/aboutUs> [Date de consultation : 29 juin 2012]

_____. S.d.b. « Glossary ». <http://www.cedat.be/glossary> [Date de consultation : 29 juin 2012]

Human Rights Watch . 2010. World Report 2010 . « North Korea ». <http://www.hrw.org/world-report-2010/north-korea> [Date de consultation : 19 juill.2012]

_____. 12 octobre 2006. « North Korea: Ending Food Aid would Deepen Hunger ». <http://www.hrw.org/news/2006/10/09/north-korea-ending-food-aid-would-deepen-hunger> [Date de consultation : 6 juill.2012]

_____. Mai 2006. A Matter of Survival: The North Korean Government’s Control of Food and the Risk of Hunger . <http://www.hrw.org/en/reports/2006/05/03/matter-survival> [Date de consultation : 29 juin 2012]

International Crisis Group . 7 juillet 2012. Communication écrite du directeur adjoint de projet en Asie du Nord-Est.

Nations Unies. 29 mai 2012. Bureau du coordonnateur résident des Nations Unies en République populaire démocratique de Corée. Overview of Needs and Assistance: The Democratic People's Republic of Korea . <http://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/OFD%202012%20(final%20version)%20-%2029%20May%202012.pdf> [Date de consultation : 29 juin 2012]

_____. 24 mars 2011. Programme alimentaire mondial (PAM), Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF). Rapid Food Security Assessment Mission to the Democratic People's Republic of Korea . <http://documents.wfp.org/stellent/groups/public/documents/ena/wfp233442.pdf> [Date de consultation : 18 juill.2012]

_____. Janvier 2011. Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Country Programme for the Democratic People's Republic of Korea (2011-2015) . <http://web.undp.org/dprk/docs/projects/CP_DPRK_2011-2015.pdf> [Date de consultation : 29 juin 2012]

_____. 17 février 2010. Conseil des droits de l’homme (HCR). Report of the Special Rapporteur on the Situation of Human Rights in the Democratic People’s Republic of Korea, Vitit Muntarbhorn . <http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/docs/13session/A-HRC-13-47.pdf> [Date de consultation : 18 juill.2012]

Professeur adjoint. 9 juillet 2012. Faculté des sciences de la santé, Université d’Ottawa. Entretien personnel avec la Direction des recherches.

République populaire démocratique de Corée. Décembre 2010. Multiple Indicator Cluster Survey 2009 . <http://www.childinfo.org/files/MICS_DPRK_2009.pdf> [Date de consultation : 29 juin 2012]

Reuters. 7 octobre 2011. Tim Large. « Special Report: Crisis Grips North Korean Rice Bowl ». <http://www.reuters.com/article/2011/10/07/us-korea-north-food-idUSTRE7956DU20111007> [Date de consultation : 27 juin 2012]

Autres sources consultées

Sources orales : Les tentatives faites pour joindre des représentants des organisations suivantes ont été infructueuses : Database Center for North Korean Human Rights , Organisation mondiale de la santé, Programme alimentaire mondial des Nations Unies.

Sites Internet, y compris : Amnesty International; Canada – Agence canadienne de développement international; ecoi.net; États-Unis – Agency for International Development, Department of State ; Factiva; Médecins sans frontières; The National Academies Press ; Nations Unies – Haut Commissariat pour les réfugiés, Programme alimentaire mondial; openDemocracy .

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