World Report 2017 - Morocco and Western Sahara

Le Maroc a promulgué en 2016 des lois visant à promouvoir la libre expression et les droits des travailleurs domestiques, des victimes de la traite des êtres humains et des personnes handicapées. Toutefois, les autorités ont restreint les activités des associations locales de défense des droits humains et étendu les restrictions imposées aux organisations internationales de défense des droits humains. De nombreuses personnes ont continué à purger de longues peines de prison après des procès inéquitables pour des infractions reposant sur des motifs politiques. Alors que les autorités ont souvent toléré des manifestations de protestation, au Sahara occidental elles ont systématiquement empêché les rassemblements soutenant l'autodétermination pour le territoire contesté.

Le Maroc a accordé un statut juridique temporaire à des demandeurs d'asile reconnus par les Nations Unies et à des milliers de migrants économiques, en attendant une refonte de ses lois sur l'asile et les étrangers se trouvant sur le sol marocain.

Liberté d’expression

Le 26 juillet, le Parlement a adopté un nouveau Code de la presse et des publications. L'élimination de la peine de prison comme sanction représente une avancée par rapport au code de la presse de 2002. Mais le nouveau code punit encore de nombreux délits d’expression non violente par des amendes et des suspensions judiciaires de publications ou de sites web.

De son côté, le code pénal maintient la prison comme une punition pour une variété de délits d’expression non violente. Cinq jours avant l'adoption du nouveau code de la presse, le parlement a renforcé les dispositions du code pénal, imposant la prison aux personnes qui franchissent les « lignes rouges » marocaines de longue date - « causant un préjudice » à l'islam, à la monarchie, à la personne du roi et à la famille royale, et à l'intégrité territoriale du Maroc (en référence à sa revendication du Sahara occidental).

La réforme juridique a maintenu la prison pour punir les insultes à l’égard des corps constitués et pour « apologie du terrorisme », tout en éliminant la prison pour diffamation et insulte à des dignitaires étrangers, et pour la publication de mauvaise foi de « fausses nouvelles ».

Ali Anouzla, rédacteur en chef du site de nouvelles indépendantes Lakome2.com, a été poursuivi pour avoir porté atteinte à l'intégrité territoriale du Maroc, après une interview accordée à un journal allemand en 2015, citant le Sahara occidental comme étant « occupé ». Après que le journal a confirmé qu'il s'agissait d'une erreur de traduction, le tribunal a classé l’affaire en mai.

Les autorités exigent, mais refusent souvent, de délivrer des autorisations aux médias étrangers pour filmer au Maroc. Le 3 avril, la police a arrêté et expulsé une équipe du journal télévisé français « Le Petit Journal » alors qu'elle tentait de filmer dans un quartier de Beni Mellal, une ville située à 220 kilomètres au sud-est de Casablanca, où une agression contre des personnes homosexuelles s’était produite.

En novembre 2015, les autorités ont expulsé Rik Goverde, journaliste indépendant pour les quotidiens néerlandais NRC et AD, au motif qu'il n'avait pas de carte de presse. Goverde avait fait des demandes réitérées pour obtenir une carte depuis son arrivée au Maroc en octobre 2013, mais il n'a jamais reçu de réponse.

La télévision d'État marocaine offre une certaine marge pour le débat et le journalisme d’investigation, mais pas de latitude pour la critique directe de la monarchie ou les désaccords portant sur des questions clés.

Liberté d'assemblée et d'association

Les autorités ont toléré de nombreuses manifestations et rassemblements réclamant des réformes politiques et protestant contre les actions gouvernementales, tout en dispersant certaines, malgré leur caractère pacifique.

Les autorités continuent de manière arbitraire d’entraver le fonctionnement de nombreuses associations ou de les empêcher d'obtenir une reconnaissance légale, alors même que la constitution de 2011 garantit la liberté d'association. Le 31 mars, une cour d'appel d'Agadir a confirmé une décision de dissolution de l'association Mémoire et droits d'Ifni, en partie au motif que cette dernière avait porté préjudice à « l'intégrité territoriale » du Maroc en revendiquant les droits et l'identité de la population de la région d'Ifni.

Parmi les nombreuses associations qui se sont vu refuser une inscription légale figurent un grand nombre d'associations caritatives, culturelles et éducatives dont les dirigeants comprennent des membres d'Al-Adl wal-Ihsan (« Justice et spiritualité »), un mouvement national qui milite pour un État islamique et conteste l’autorité spirituelle du roi. Depuis 2006, les autorités ont maintenu fermées des maisons appartenant au leader du mouvement et à un autre membre de l'est du Maroc, sans fournir de justification légale.

 

Les autorités ont fréquemment empêché la tenue d’événements organisés par des sections locales de l’Association Marocaine des Droits Humains, en refusant l’accès aux lieux prévus. Elles ont également empêché de nombreuses sections de l'association de déposer des documents comme l'exige la loi, ce qui les fragilise sur le plan juridique.

Une interdiction de facto, imposée en 2015, est restée en place à l’égard de missions de recherche d'Amnesty International et de Human Rights Watch. Cette interdiction est une régression par rapport à l'accès relativement libre des deux organisations depuis près de 25 ans. Le 21 février, les autorités ont expulsé sans explication l'avocat qui dirigeait le bureau marocain d’Avocats sans frontières-Belgique, ce qui a conduit cette organisation à réduire ses activités dans le pays. En juin, l'Institut international de l'action non violente (NOVACT) a annoncé qu'il fermerait son bureau au Maroc après que les autorités aient expulsé un collaborateur en 2015 et qu’elles aient interdit l'entrée dans le pays à deux autres personnes en 2016. Elles ont également refusé d'accorder à l'association espagnole une reconnaissance légale.

En 2015, les autorités ont accusé Maâti Monjib et quatre autres militants associatifs d’avoir reçu des financements étrangers afin de « porter atteinte à la sûreté intérieure de l’État ». Ils encourent jusqu'à cinq ans d’emprisonnement. Le procès, reporté à plusieurs reprises et dont l’ouverture est prévue en janvier 2017, porte sur un atelier financé par une organisation étrangère pour former des Marocains à l’utilisation d'une application de « journalisme citoyen » pour smartphone.

Les autorités ont expulsé plusieurs visiteurs étrangers venus pour témoigner de la situation des droits humains au Sahara occidental ou bien pour y participer à des événements liés aux droits humains. Par exemple, le 9 octobre, les autorités ont expulsé Carlos Beristain, un expert espagnol des droits humains au Sahara occidental, ainsi que deux autres Espagnols que l'Association sahraouie des Victimes de Graves Violations des Droits de l'Homme (ASVDH) avait invités à participer au premier événement public organisé par l’association depuis qu’elle avait obtenu la reconnaissance légale en 2015. L'agent de police qui a intercepté Beristain à l'aéroport lui a dit que sa présence « menaçait l'ordre public ».

Comportement policier, torture et système pénal

Les tribunaux n'ont pas respecté le droit à un procès équitable dans les affaires à connotation politique ou sécuritaire.

Le Code de procédure pénale, modifié en 2011, donne à l’accusé le droit de contacter un avocat après 24 heures de garde à vue, ou un maximum de 36 heures si le procureur approuve cette prolongation. Dans les affaires impliquant des infractions de terrorisme, le procureur peut retarder l'accès à un avocat pour un maximum de six jours. La loi n'accorde pas aux détenus le droit à la présence d’un avocat lorsque la police les interroge ou leur présente leurs dépositions à signer.

La loi de 2003 sur la lutte contre le terrorisme contient une définition trop large du terme « terrorisme » et autorise jusqu'à 12 jours de détention en garde à vue dans des cas de terrorisme.

Vingt-cinq Sahraouis ont gagné un procès en révision devant un tribunal civil, après que la Cour de cassation ait annulé leur condamnation de 2013 devant un tribunal militaire. Ce tribunal avait infligé à 23 d'entre eux des peines d'emprisonnement de 20 ans et plus. Ces hommes, parmi lesquels figurent quelques militants bien connus, ont été inculpés en raison des violences qui ont éclaté en 2010 lorsque les autorités ont démantelé le camp de protestation de Gdeim Izik au Sahara occidental ; 11 agents de sécurité sont morts au cours de cette opération. Le tribunal militaire n'a pas enquêté sur les allégations des accusés selon lesquelles la police les avait torturés ou contraints à signer de fausses déclarations, sur lesquelles il se fondait presqu’exclusivement pour les condamner.

Les prisons ont détenu des centaines d'islamistes arrêtés à la suite des attentats de 2003 à Casablanca et depuis lors. Les tribunaux ont condamné plusieurs personnes pour appartenance à un « réseau terroriste », recrutement, suivi d’une formation militaire, ou se préparer à rejoindre des djihadistes à l'étranger. Souvent, la principale, voire la seule, preuve contre les accusés était leurs « aveux » à la police, qui les incriminaient eux-mêmes et leurs coaccusés, aveux qu’ils se sont ensuite rétractés au tribunal.

Les tribunaux ont continué, lors de la condamnation des accusés, à invoquer l'article 290 du Code de procédure pénale qui considère que les déclarations de police sont intrinsèquement crédibles à titre de preuve, à moins que le contraire ne soit prouvé. Le Groupe de travail de l’ONU sur les décisions arbitraires en 2014 a critiqué cette disposition comme contraire à la présomption d'innocence. Elle s'applique aux infractions entraînant des peines de prison inférieures à cinq ans.

La militante de gauche Wafae Charaf a été libérée en juillet après avoir purgé une peine de deux ans de prison pour calomnie et « fausse » dénonciation d’un délit, suite à une plainte qu’elle a déposée et selon laquelle des inconnus l’auraient enlevée et torturée, à la fin d’une manifestation de travailleurs à Tanger. Oussama Husn, un militant du mouvement de jeunesse pro- réformes, purgeait une peine de trois ans de prison prononcée en 2014 sur des chefs d’accusation semblables, après avoir mis en ligne une vidéo où il raconte avoir été enlevé et torturé par des inconnus. Les peines dans ces deux cas pourraient avoir un effet dissuasif sur les personnes souhaitant déposer plainte pour des abus commis par les forces de sécurité.

Les tribunaux marocains continuent d'imposer la peine de mort, mais les autorités n’ont procédé à aucune exécution depuis le début des années 1990.

Droit à la vie privée

Les tribunaux marocains ont continué à emprisonner des personnes pour conduite homosexuelle en application de l’article 489 du code pénal, qui interdit « les actes impudiques ou contre nature avec un individu du même sexe ». Un tribunal de Beni Mellal a condamné deux hommes pour homosexualité, après qu'un groupe de jeunes ait fait irruption le 9 mars au domicile de l’un des deux hommes et les ait poussés tous deux nus dans la rue, filmant l’agression et la publiant ensuite en ligne. Les deux hommes ont été libérés après avoir passé un mois en prison. En avril, un tribunal a imposé des peines de prison à deux de leurs agresseurs. Le 27 octobre, des policiers à Marrakech ont arrêté deux jeunes filles âgées de 16 et 17 ans qui ont été signalées pour avoir échangé des caresses dans un domicile privé. Elles ont été emprisonnées pendant une semaine et ensuite provisoirement libérées, avant un procès prévu pour le 25 novembre sur des accusations en vertu de l'article 489.

La pénalisation de l'adultère et des relations sexuelles consensuelles entre personnes non mariées a un impact discriminatoire en matière de genre, les victimes de viol risquant ainsi de faire l’objet de poursuites si leurs accusations ne sont pas maintenues. Les femmes et les filles font également l'objet de poursuites en cas de grossesse et d'accouchement hors mariage.

Migrants et réfugiés

La mise en œuvre d’un plan de 2013 pour réviser les politiques nationales envers les migrants et les demandeurs d'asile s’est poursuivie, notamment en leur octroyant certains droits fondamentaux. Alors qu'un projet de la première loi marocaine sur le droit d'asile n'avait pas encore été adopté, l’agence marocaine chargée des réfugiés a délivré des permis de résidence d’une année renouvelable à plus de 500 réfugiés reconnus par le HCR. Au moment de la rédaction de ce rapport, le Maroc n’avait pas encore déterminé le statut qu’il accorderait à plus de 1 700 Syriens, que le HCR reconnaît comme des réfugiés présumés.

Le Maroc a également accordé des permis de résidence d’une année renouvelable à des milliers de migrants d’origine sub-saharienne qui n’étaient pas des demandeurs d’asile mais qui remplissaient certains critères du plan de 2013. Quelques Syriens ont également obtenu des permis de résidence d’une année grâce à cette procédure.

Le Parlement a adopté en mai une loi définissant et criminalisant la traite des personnes et prévoyant des mesures pour protéger ses victimes.

Droits des femmes et des filles

La constitution de 2011 garantit l'égalité pour les femmes, « dans le respect des dispositions de la Constitution, des constantes et des lois du Royaume ».

Le Code de la famille de 2004 a amélioré les droits des femmes en matière de divorce et de garde des enfants, mais il contient des dispositions discriminatoires pour les femmes en matière de succession et de procédures de divorce. Le code a élevé l'âge du mariage de 15 à 18 ans. Toutefois, les juges ont autorisé régulièrement des filles à se marier avant cet âge. Il n’existe pas de législation criminalisant les violences domestiques ou établissant des mesures de protection pour les victimes de violence domestique.

Employé(e)s domestiques

Le Parlement a adopté le 26 juillet la première loi sur le travail s’appliquant aux travailleurs domestiques. Elle exige des contrats écrits et fixe à 18 ans l’âge minimum pour les travailleurs domestiques, après une période de transition de cinq ans. Elle limite les heures de travail hebdomadaires et garantit 24 heures de repos continues hebdomadaires, ainsi qu’un salaire minimum représentant 60% du salaire minimum des emplois couverts par la législation du travail. La loi prévoit également des sanctions financières pour les employeurs qui ne la respectent pas.

Malgré des lois interdisant le travail des enfants de moins de 15 ans, des milliers d'enfants en-dessous de cet âge — principalement des filles — travailleraient comme domestiques. Selon l’ONU, des organisations non gouvernementales (ONG) et des sources gouvernementales, le nombre d’enfants travaillant comme domestiques a diminué ces dernières années.

Personnes en situation de handicap

En février, le Parlement a adopté la loi-cadre 97.13 sur les droits des personnes handicapées, un pas vers l'harmonisation de la législation avec la Convention relative aux droits des personnes handicapées, que le Maroc a ratifiée en 2009. Cependant, la Loi-cadre est encore insuffisante dans certains domaines, par exemple pour ce qui est de garantir l'accès à une éducation inclusive pour les enfants handicapés et pour affirmer le droit à la capacité juridique.

Principaux acteurs internationaux

En décembre 2015, la Cour de justice de l’Union européenne a décidé d'annuler l'application de l'accord commercial Union européenne-Maroc sur les produits agricoles et de la pêche dans la mesure où il s'appliquait au Sahara occidental. La Cour a jugé que l'accord était défectueux parce qu'il ne « ne présente pas les garanties nécessaires pour que les ressources de la région du Sahara profitent aux habitants locaux. » L'UE a fait appel de la décision.

En mars, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, s'est rendu dans les camps de réfugiés sahraouis en Algérie, où il a qualifié le Sahara occidental d’ « occupé » et a évoqué la possibilité d'un référendum pour déterminer l'avenir du territoire, positions qui sont inadmissibles pour le Maroc. En réponse, le Maroc a expulsé le personnel civil de la mission de maintien de la paix au Sahara occidental, la MINURSO. Au moment de la rédaction du présent document, seuls quelques membres du personnel avaient pu revenir.

Les États-Unis ont publiquement reconnu et corrigé une petite erreur dans le chapitre sur le Maroc dans son Rapport 2016 sur les pratiques de pays en matière de droits de l’homme », mais ont insisté sur la véracité du contenu de fond de ce chapitre que le ministre marocain de l'Intérieur avait dénoncé en mai comme « véritablement scandaleux, passant de l'approximation de l'information à son invention pure et simple, de l'appréciation erronée au ''mensonge’’ caractérisé ».

Conformément à la législation adoptée par le Congrès pour 2016, les États-Unis ont permis que leur aide allouée au Maroc soit dépensée au Sahara occidental, en dépit de la non-reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté du Maroc sur le territoire. L'International Republican Institute, une ONG américaine, a reçu en avril une subvention gouvernementale d'un million de dollars pour la réalisation d'un programme de deux ans au Sahara occidental sur la société civile et la gouvernance participative.

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