India: Treatment of Dalits by society and government authorities, including the state response to mistreatment (2010-March 2012) [IND104063.E]

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

1. À propos des dalits

Le terme dalit signifie [traduction] « "brisé" » (NCDHR s.d.a; Dalit Foundation s.d.; Navsarjan s.d.b), « "opprimé" » (ibid.; Dalit Foundation s.d.a; É.-U. 8 avr. 2011, 58) ou « "réprimé" » (ibid.). Les autorités de l’Inde appellent officiellement les dalits les [traduction] « castes répertoriées » (Inde s.d.a; Dalit Foundation s.d.a; Rao 1er juill. 2011), groupe de personnes [traduction] « souffrant d’un sérieux retard sur les plans social, scolaire et économique » en raison de « la pratique très ancienne du statut d’intouchable » (Inde s.d.a).

Des sources estiment que l’Inde compte environ 164,8 millions (Navsarjan et RFK Center 2010, 3) à 170 millions de dalits (NCDHR s.d.a). Ces derniers représentent 16 p. 100 de la population totale de l’Inde (Navsarjan s.d.b; É.-U. 8 avr. 2011, 58) ou un Indien sur six (NCDHR s.d.b; The Hindu 19 juill. 2011). Selon la Fondation Dalit (Dalit Foundation), ONG de New Delhi (s.d.b), 80 p. 100 des dalits vivent en milieu rural (s.d.a).

1.1 Le système des castes en Inde et les dalits

Le système hiérarchique de castes en Inde est décrit comme un [traduction] « héritage ancien » lié à l’hindouisme (Policy Perspectives 30 juin 2011). Selon ce système, les différences entre les castes sont [traduction] « définies par les notions de pollution et de pureté; la caste supérieure est considérée comme "pure" comparativement à la caste inférieure » (ibid.). D’après la Campagne nationale pour les droits des dalits (National Campaign on Dalit Human Rights - NCDHR), qui est dirigée par des hommes et des femmes dalits et appuyée par [traduction] « des organisations, des universitaires, des particuliers […] et des institutions » de partout en Inde (s.d.c), selon le système des castes, les gens sont divisés selon leur naissance en [traduction] « groupes sociaux inégaux » (s.d.a). Un militant dalit du Centre pour l’équité et l’inclusion sociales (Centre for Social Equity and Inclusion) à New Delhi a souligné, dans un article paru en 2011 dans le Globe and Mail, que les Indiens peuvent connaître la caste d’une autre personne en se fondant sur [traduction] « son nom de famille, ses liens familiaux et ses relations avec des villages, ses habitudes alimentaires, les rituels et les cérémonies auxquels elle prend part, ainsi qu’une enquête générale sur sa famille et son histoire personnelle » (2 déc. 2011).

À titre de personnes anciennement désignées comme les [traduction] « "intouchables" », les dalits ne sont pas visés par le système des castes traditionnel à quatre échelons en Inde, qui restreint les activités des membres et leur association avec des personnes appartenant aux autres castes (NCDHR s.d.b; Navsarjan s.d.b; The Globe and Mail 2 déc. 2011). Ils forment le groupe le plus inférieur de la société (É.-U. 8 avr. 2011, 58; Navsarjan s.d.b; The Hindu 19 juill. 2011). Associés à certains emplois, les dalits sont qualifiés [traduction] « d’impurs » (The Nation 24 avr. 2011; NCDHR s.d.a) et de « polluants » (ibid.; The Globe and Mail 2 déc. 2011). Navsarjan, groupe de défense des droits des dalits du Gujerat (s.d.d), explique que les dalits sont divisés en sous-castes, selon lesquelles leur emploi est déterminé; ils peuvent par exemple travailler comme artisans du cuir, balayeurs de rues, cordonniers et ouvriers agricoles (Navsarjan s.d.b). Les dalits appartenant à la sous-caste inférieure, comptant environ 1 (ibid.) à 1,3 million de personnes (The Nation 24 avr. 2011), travaillent comme [traduction] « éboueurs manuels » et doivent accomplir des tâches qui comprennent le nettoyage d’excréments humains (ibid.; Navsarjan s.d.b). D’après le journal pakistanais The Nation, certains dalits qui travaillent dans des villes nettoient les égouts sans tenue de protection, ce qui entraîne la mort de 100 personnes chaque année pour cause [traduction] « [d’] inhalation de gaz toxiques ou [de] noyade dans les excréments humains » (24 avr. 2011). Dans les Country Reports on Human Rights Practices for 2010, le Département d’État des États-Unis souligne par ailleurs que les travailleurs dalits nettoient des conduites d’égout et des drains contenant des excréments humains [traduction] « sans équipement adéquat et dans des conditions extrêmement insalubres » (É.-U. 8 avr. 2011, 70).

1.2 Conditions de vie des dalits

Des sources signalent que de nombreux dalits souffrent de malnutrition (ibid., 58; ALRC 24 févr. 2011, 2) et vivent dans une [traduction] « pauvreté extrême » (NCDHR s.d.a), étant incapables de gagner suffisamment d’argent pour [traduction] « nourrir leur famille ou envoyer leurs enfants à l’école » (Navsarjan s.d.b). En 2010, le Hindustan Times a fait état d’une étude [traduction] « récente » intitulée Untouchability in Rural India, qui a été menée dans 565 villages de 11 États de l’Inde (23 nov. 2010). Selon l’étude, la moitié des enfants dalits sont sous-alimentés et le taux d’alphabétisation chez les femmes est de 37,8 p. 100 (Hindustan Times 23 nov. 2010). D’après Navsarjan, moins de 10 p. 100 des familles dalits ont les moyens d’avoir de l’eau potable, de l’électricité ou des toilettes (s.d.b).

2. Cas signalés de discrimination

Diverses sources soutiennent que les dalits continuent de subir de la discrimination, qualifiée de [traduction] « forte » (The Guardian 8 févr. 2012), « répandue » (Hindustan Times 23 nov. 2010) et « courante » (É.-U. 8 avr. 2011, 58), sur le fondement de leur caste et de leur statut d’intouchable, même si c’est illégal (ibid.; Hindustan Times 23 nov. 2010). En raison du statut d’intouchable, [traduction] « dérivé direct du système des castes » (Navsarjan s.d.c), les dalits vivent souvent à l’écart des communautés appartenant à des castes (ibid.; The Guardian 8 févr. 2012; Hindustan Times 23 nov. 2010). Entre autres restrictions, ils se verraient habituellement refuser l’accès aux puits publics et l’entrée dans les temples, en plus de devoir utiliser des verres distincts pour boire (Navsarjan s.d.c; NCDHR s.d.a).

Des groupes de défense de droits des dalits signalent que la pratique du statut d’intouchable a également une incidence sur les dalits dans les écoles (Navsarjan s.d.c; NCDHR s.d.a). Par exemple, les enfants dalits pourraient être tenus de nettoyer les toilettes, de manger à l’écart des autres enfants (Navsarjan s.d.c) ou de s’asseoir à l’arrière de la classe (NCDHR s.d.a). De plus, des dalits qui fréquentent des établissements d’enseignement supérieur auraient fait l’objet de [traduction] « discrimination fondée sur la caste », ce qui en a poussé certains à se suicider (The Globe and Mail 2 déc. 2011; The Chronicle of Higher Education 11 déc. 2011).

Des sources expliquent que, même lorsque les dalits se convertissent à une autre religion, ils subissent de la discrimination fondée sur la caste (Afternoon Voice 26 mars 2012; Navsarjan s.d.b). À titre d’exemple, Navsarjan souligne que les dalits chrétiens se voient attribuer des cimetières séparés des autres chrétiens (ibid.).

2.1 Statut d’intouchable : ampleur du phénomène

L’étude intitulée Untouchability in Rural India dont il était question précédemment a démontré que

  • dans 33 p. 100 des 565 villages (de 11 États) où l’enquête a été menée, les travailleurs de la santé publique refusaient de se rendre chez les dalits;
  • dans 37,8 p. 100 des villages, les enfants dalits des écoles publiques devaient manger à l’écart des autres;
  • dans 23,5 p. 100 des villages, les dalits ne pouvaient pas bénéficier du service des postes à domicile;
  • dans 48,4 p. 100 des villages, les dalits n’avaient pas accès aux sources d’eau (Hindustan Times 23 nov. 2010).

De plus, Navsarjan et le Centre Robert F. Kennedy pour la justice et les droits de la personne (Robert F. Kennedy Center for Justice and Human Rights - RFK Center) ont mené une enquête pendant 4 ans auprès de 5 462 personnes de 1 589 villages dans l’État du Gujerat, dans l’ouest de l’Inde, en vue de déterminer les pratiques relatives au statut d’intouchable; elle leur a permis de conclure ceci :

  • dans 98,1 p. 100 des villages qui ont fait l’objet de l’enquête, un dalit ne peut pas louer une maison située dans une communauté non dalit;
  • dans 97,6 p. 100 des villages, les dalits ne doivent pas toucher les pots d’eau ou les ustensiles des non-dalits [car] ces actes sont considérés comme de la souillure;
  • dans 97,2 p. 100 des villages, les dirigeants religieux dalits ne seront jamais sollicité pour célébrer une cérémonie religieuse dans un secteur non dalit (Navsarjan et RFK Center 2010, i, v, 17).

L’enquête de Navsarjan et du RFK Center a aussi démontré que les dalits se heurtent aux restrictions suivantes :

  • dans 87 p. 100 des villages, ils ne pouvaient pas louer de pots de cuisson pour leur mariage;
  • dans 73 p. 100 des villages, ils ne pouvaient pas avoir recours aux services du barbier;
  • dans 61 p. 100 des villages, ils ne pouvaient pas solliciter les services des potiers;
  • dans 33 p. 100 des villages, ils ne pouvaient pas utiliser les services des tailleurs;
  • dans 29 p. 100 des villages, ils n’avaient pas accès à l’eau potable (et dans 71 p. 100 des villages, il n’y avait pas de pompe dans leur secteur);
  • dans 10 p. 100 des villages, ils n’avaient pas droit aux services du médecin privé du village (Navsarjan et RFK Center 2010, 19).

Selon le Navsarjan et le RFK Center, les données qu’ils ont recueillies démontrent [traduction] « [qu’] il y a une sous-estimation systématique du statut d’intouchable en Inde moderne [et que] le quotidien de nombreux dalits est demeuré inchangé depuis […] l’interdiction de la pratique du statut d’intouchable » (ibid., v, 1). De plus, ils soulignent la présence d’un taux important de [traduction] « discrimination horizontale, c’est-à-dire de la pratique du statut d’intouchable par certaines sous-castes dalits envers certaines autres sous-castes dalits » (ibid., 22-23).

3. Violence

Diverses sources signalent que les dalits sont susceptibles de subir de la violence de la part de membres de castes supérieures (Navsarjan s.d.a; ACHR 2011, 66; Policy Perspectives 30 juin 2011). D’après Freedom House, ils se heurtent à de la violence [traduction] « systématique » (2011). On peut par ailleurs lire dans le Nation que des dalits sont [traduction] « quotidiennement » victimes de meurtres, de viols et d’autres agressions liées aux castes (24 avr. 2011). Des sources signalent que certains ont été agressés pour avoir notamment conduit une motocyclette (The Chronicle of Higher Education 11 déc. 2011; The Times of India 3 mai 2011), avoir parlé au cellulaire (The Chronicle of Higher Education 11 déc. 2011) ou avoir pris de l’eau dans un puits qui n’était pas réservé à leur usage (ibid.; CDR [mars 2011], 25).

3.1 Statistiques sur les crimes violents

Le Bureau national des dossiers judiciaires (National Crime Records Bureau) de l’Inde a recueilli des données sur les incidents et le nombre de crimes commis contre les castes répertoriées en 2010 (Inde 2010, 423). D’après les statistiques, 32 712 crimes contre des castes répertoriées ont été signalés au pays, dont 570 meurtres, 1 349 viols, 511 enlèvements, 4 376 cas de [traduction] « blessure », 143 cas visés par la loi sur la protection des droits civils (Protection of Civil Rights Act) et 10 513 cas visés par la loi sur les castes et les tribus répertoriées (prévention des atrocités) (Scheduled Castes and Scheduled Tribes (Prevention of Atrocities) Act) (ibid., 423-426). Les cinq États où le nombre d’incidents à l’égard des castes répertoriées était le plus élevé étaient l’Uttar Pradesh (6 272), le Rajasthan (4 979), l’Andhra Pradesh (4 321), le Bihar (3 516) et le Madhya Pradesh (3 374) (ibid., 423). Toutefois, des sources expliquent également que la plupart des cas de violence à l’égard des dalits ne sont pas signalés (The Nation 24 avr. 2011; Navsarjan s.d.b).

3.2 Cas de crimes violents

Le Centre asiatique des droits de la personne (Asian Centre for Human Rights - ACHR) de New Delhi a rassemblé des articles de presse parus en 2010 dans lesquels on allègue ou affirme que des membres de castes supérieures sont responsables d’avoir battu des dalits, parfois à mort, d’en avoir brûlés certains vifs, d’avoir fait subir des traitements humiliants à certains autres et d’avoir violé ou agressé sexuellement des femmes dalits (ACHR 2011, 66-71). Parmi les meurtres répertoriés par l’ACHR, on compte le cas d’un étudiant mort après avoir été battu par des enseignants de castes supérieures parce qu’il s’était opposé à la violence qu’employait son enseignant, le cas d’un homme dalit tué pour être intervenu lorsqu’un garçon dalit a été battu parce qu’il se trouvait dans un endroit interdit aux dalits, le cas d’un homme assassiné pour avoir demandé qu’on lui verse son salaire et le cas d’un jeune dalit tué pour avoir désobéi à un ordre du village l’empêchant d’assister à un mariage (ibid., 66-67). Des cas de dalits battus portaient sur des femmes qui ont été battues et forcées de déambuler nues dans les rues (ibid., 69). Les cas de violence sexuelle comprenaient une affaire au cours de laquelle une adolescente dalit a été attaquée et agressée sexuellement, puis s’est fait couper un doigt après avoir porté plainte à la police à propos d’un autre incident, ainsi qu’une autre affaire concernant une femme dalit qui a été violée par deux hommes de caste supérieure après s’être élevée contre leur refus de la laisser entrer dans un temple (ibid., 71). Le dépouillement de l’ACHR compte également un cas où 25 familles dalits d’un village du district de Chitradurga, dans le Karnataka, ont fui leur communauté après avoir subi [traduction] « des viols, de la torture et un boycottage socioéconomique » de la part de communautés de castes supérieures; les familles ont allégué que les hommes ont été forcés de travailler comme des ouvriers asservis et que les femmes recevaient souvent la visite des propriétaires, qui les agressaient sexuellement (ibid.).

Le Centre pour les droits des dalits (Centre for Dalit Rights - CDR), qui fait le suivi des violations des droits de la personne fondées sur la caste dans l’État du Rajasthan (s.d.), a répertorié 814 [traduction] « atrocités » commises à l’égard de dalits dans le Rajasthan du 1er avril 2010 à mars 2011, y compris 40 meurtres, 80 viols, 290 agressions, 10 incendies criminels et 34 cas de [traduction] « violence généralisée » ([mars. 2011], 1). Certains incidents de violence généralisée portaient sur des cas où des membres de caste supérieure ont chassé des communautés et des familles dalits hors de leur propriété ou de leur maison, alors que certains cas de viol concernaient des mineurs et des viols collectifs (ibid., 90, 91, 93, 113, 121).

3.3 Violence fondée sur des motifs autres que la caste

Des sources soulignent également que les dalits sont particulièrement sujets à la violence lorsqu’ils font valoir leurs droits (Policy Perspectives 30 juin 2011; Navsarjan s.d.a; Hindustan Times 23 nov. 2010). Navsarjan explique qu’en réaction à des protestations et à des organisations politiques dalits, les castes supérieures et [traduction] « d’autres castes défavorisées » (castes inférieures) ont infligé « des mesures de répression violentes afin de faire taire toute forme de dissidence chez les dalits » (s.d.a). Ces mesures comprenaient des viols collectifs, des incendies criminels et des meurtres, comme des agressions mortelles à coups de couteau ou des assassinats par le feu (s.d.a). Dans un rapport relatif à une mission effectuée en Inde du 10 au 21 janvier 2011, la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des défenseurs des droits de l’homme a signalé que les membres de la caste supérieure ont fait subir aux défenseurs des droits des dalits des [traduction] « menaces, des agressions, des insultes fondées sur la caste en public, des dommages directs et indirects à leur propriété ou à leurs biens et de fausses accusations les visant » (Nations Unies 6 févr. 2012, paragr. 112).

La NCDHR souligne que les femmes dalits sont susceptibles de subir de la violence en raison de leur [traduction] « classe et [de] leur sexe », en plus de leur caste, et que les propriétaires et les policiers les agressent parfois sexuellement comme moyen de lutter contre l’opposition dans ces communautés (s.d.a). De plus, le groupe de défense des droits signale que certaines filles dalits ont été forcées de se prostituer avec des membres de castes supérieures et des prêtres (NCDHR s.d.a).

Des sources expliquent aussi que de nombreux enfants dalits sont réduits à l’esclavage (The Nation 24 avr. 2011; ALRC 1er sept. 2010, 2). Selon le Centre de ressources juridiques de l’Asie (Asian Legal Resource Centre - ALRC), ONG qui possède un statut consultatif général au Conseil économique et social des Nations Unies, même si l’esclavage est illégal en Inde, la pratique est toujours exercée, et les enfants de communautés dalits sont les [traduction] « plus » touchés (ibid., i, 2). L’ONG explique que les familles et les communautés dalits en région rurale, en particulier dans le Gujerat, l’Uttar Pradesh, le Bihar, le Tamil Nadu et le Karnataka, qui ont été forcées de travailler pour les propriétaires pourraient se retrouver dans des [traduction] « pièges d’endettement perpétuels »; « des familles et des villages entiers demeureraient [alors] sous l’emprise de certains propriétaires pendant des générations » (ibid., 2). Des enfants de certaines familles forcées de migrer dans les villes en raison du manque de possibilités de revenu pourraient être réduits à l’esclavage dans de petites industries manufacturières ou des restaurants, ou être asservis comme mendiants ou de travailleurs du sexe (ibid.).

4. Lois

Des sources signalent qu’en 1950, le [traduction] « statut d’intouchable » a été déclaré illégal au titre de la constitution de l’Inde (Navsarjan s.d.c; NCDHR s.d.a; The Chronicle of Higher Education 11 déc. 2011). Selon le ministère de la Justice sociale et de l’Habilitation (Ministry of Social Justice and Empowerment) de l’Inde, la loi de 1955 sur la protection des droits civils (Protection of Civil Rights Act, 1955) rend illégal le fait d’empêcher, au motif du statut d’intouchable, une personne d’entrer dans un lieu de culte, d’utiliser de l’eau d’une source publique, d’entrer dans un magasin, un restaurant, un hôtel ou tout autre lieu public, d’utiliser des ustensiles à l’intention de la population en général, d’entrer dans un hôpital public, dans une école ou dans une auberge, ainsi que de se procurer des biens et services (Inde s.d.b).

De plus, la loi de 1989 sur les castes et les tribus répertoriées (prévention des atrocités), considérant de tels actes comme des [traduction] « atrocités », interdit à une personne de caste supérieure de forcer tout membre d’une caste ou d’une tribu répertoriée à commettre l’un des actes suivants :

[traduction]

boire ou manger toute substance non comestible ou nauséabonde;

blesser, insulter ou nuire en jetant des excréments, des déchets, des carcasses ou toute autre substance nauséabonde chez lui ou dans son voisinage;

retirer ses vêtements de force ou le faire déambuler nu, ou le visage ou le corps peint, ou commettre tout acte similaire portant atteinte à la dignité humaine;

occuper ou cultiver illégalement toute terre lui appartenant, lui ayant été attribuée ou ayant été signifiée par toute autorité compétente qu’elle lui serait attribuée;

le priver illégalement de sa terre ou de sa propriété ou contrecarrer la jouissance de ses droits sur sa terre, sa propriété ou l’eau;

le contraindre ou l’entraîner à « mendier » ou à assumer toute autre forme de travail forcé ou asservi autre que le service obligatoire à des fins publiques imposé par le gouvernement;

user de sa force ou faire preuve d’intimidation pour qu’il ne vote pas, qu’il vote pour un candidat en particulier ou qu’il vote d’une manière autre que celle prévue par la loi;

intenter, d’une manière fausse, malveillante ou contrariante, une poursuite, une procédure au pénal ou autre;

donner des renseignements faux ou futiles à tout fonctionnaire qui pourrait alors avoir recours à ses pouvoirs pour blesser ou nuire;

l’insulter ou l’intimider intentionnellement dans l’intention de l’humilier dans tout endroit public;

agresser une femme ou utiliser la force envers elle dans l’intention de porter atteinte à son honneur ou de faire outrage à sa pudeur;

se trouver dans une position de pouvoir par rapport à la volonté d’une femme et utiliser cette position pour l’exploiter sexuellement, d’une manière à laquelle elle n’aurait pas autrement consenti;

corrompre ou polluer les eaux d’une source, d’un réservoir ou de toute autre source de manière à nuire à son usage habituel;

lui refuser tout droit usuel de passage dans un lieu public ou lui faire obstruction de manière à l’empêcher d’utiliser un lieu public ou d’y avoir accès, s’il s’agit d’un lieu auquel tout autre membre de la population ou toute autre classe a droit d’utilisation ou d’accès;

le forcer ou l’amener à quitter sa maison, son village ou tout autre lieu de résidence (Inde s.d.b).

La loi prévoit une sanction possible de six mois à cinq ans de prison (ibid.). Toutefois, des sources signalent que les responsables n’appliquent pas adéquatement la loi (Navsarjan s.d.a; The Hindu 1er avr. 2011). Amnesty International explique que les autorités n’ont pas utilisé les [version française d’Amnesty International] « lois spéciales » adoptées pour poursuivre les auteurs « d’attaques et de discriminations » à l’égard des dalits (2011). Selon Navsarjan, les protections offertes par l’entremise des lois indiennes [traduction] « sont rarement appliquées, car la hiérarchie des castes se reflète dans les systèmes bureaucratiques, policiers et judiciaires » (s.d.a).

5. Protection offerte par l’État

Le ministère de la Justice sociale et de l’Habilitation est chargé de superviser les questions relatives aux castes répertoriées et de faire le suivi des efforts déployés par les ministères fédéraux et étatiques en vue de [traduction] « protéger et [d’] encourager » le bien-être des castes répertoriées (Inde s.d.c). Il est également responsable de la mise en œuvre de la loi sur la protection des droits civils et de la loi de 1989 sur les castes et les tribus répertoriées (prévention des atrocités) (ibid.).

5.1 Programmes de bien-être social offerts par l’État

Des sources signalent que le gouvernement a établi des quotas pour réserver des emplois et des places dans les établissements d’enseignement supérieur pour les dalits (Inde s.d.a; USCIRF mai 2011, 252; The Chronicle of Higher Education 11 déc. 2011). D’après des médias, certains dalits ont pu accéder à des possibilités d’instruction et obtenir un emploi professionnel dans des villes par l’entremise de mesures de promotion sociale (The Globe and Mail 2 déc. 2011; The Sunday Independent 17 avr. 2011). Toutefois, la NCDHR soutient que ces quotas ne profitent qu’à un [traduction] « faible pourcentage » des dalits (s.d.a). Ceux qui se convertissent à l’islam ou au christianisme n’en bénéficient pas (USCIRF mai 2011, 252; Inde s.d.b).

Dans les Country Reports 2010, on souligne que de nombreux programmes étatiques et fédéraux conçus pour aider les dalits font l’objet d’une [traduction] « mise en œuvre inadéquate et de corruption » (É.-U. 8 avr. 2011, 59). Selon Navsarjan, les autorités gouvernementales [traduction] « privent » souvent les familles dalits de services essentiels, comme l’électricité et l’eau, alors qu’elles les offrent aux non-dalits (s.d.a). L’ALRC, dans un rapport au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, a reproché aux autorités étatiques d’avoir omis de se pencher sur la malnutrition chez les dalits et les groupes tribaux (24 févr. 2011, 2).

5.2 Police

Plusieurs sources expliquent que la police refuse souvent d’enregistrer les crimes commis contre les dalits (NCDHR s.d.a; The Hindu 20 févr. 2011; Hindustan Times 23 nov. 2010). Dans les Country Reports 2010, on souligne que les crimes contre les dalits sont souvent impunis parce que les autorités étatiques n’ont pas intenté de poursuites ou que les victimes n’ont rien signalé [traduction] « par crainte de représailles » (É.-U. 8 avr. 2011, 58). D’après l’étude susmentionnée sur les pratiques du statut d’intouchable menée dans 565 villages de 11 États, les dalits ne pouvaient pas entrer dans les postes de police dans 27,6 p. 100 des villages étudiés (Hindustan Times 23 nov. 2010). Navsarjan souligne que les policiers, influencés par leur [traduction] « loyauté envers les castes et [par] les pots-de-vin », n’arrêtent que rarement immédiatement des suspects accusés de violence (Navsarjan s.d.a).

De plus, des dalits sont victimes de violence de la part de policiers (NCDHR s.d.a; Freedom House 2011). Le CDR a enregistré plusieurs cas de violence de la part de policiers dans le Rajasthan du 1er avril 2010 à mars 2011 ([mars 2011], 2, 3, 23, 26, 27, 54, 288). Parmi eux se trouvaient des cas où des policiers ont battu, [traduction] « torturé » et violé collectivement des dalits (CDR [mars 2011], 2, 3, 23, 26, 27, 54, 288). Le rapport faisait également état de cas où la police n’est pas intervenue lorsque des crimes ont été commis contre des dalits (ibid., 90, 107). La BBC signale qu’en septembre 2011, des policiers ont ouvert le feu sur une foule de manifestants dalits dans la municipalité de Paramakudi, dans le Tamil Nadu, tuant cinq personnes (12 sept. 2011).

La Rapporteuse spéciale des Nations Unies, traitant de la situation des défenseurs des droits de l’homme en Inde en janvier 2011, a expliqué que

[traduction]

pour ce qui est de la police et des autorités étatiques, les défenseurs des droits des dalits auraient souvent vu leur plainte ne pas être enregistrée et auraient plutôt été accusés dans de fausses affaires et fait l’objet de demandes reconventionnelles, par suite de collusion avec la communauté appartenant à la caste dominante. Certains ont aussi été exécutés par voie sommaire, forcés de disparaître, agressés physiquement, détenus arbitrairement, traités de récidivistes chahuteurs, désignés comme des naxalites et des antinationaux et envahis dans leur vie privée, ayant été notamment mis sous surveillance (Nations Unies 6 févr. 2012, paragr. 113).

Dans son rapport de surveillance, le CDR souligne par ailleurs un cas où la police a démoli la maison d’un défenseur des droits des dalits et un autre où elle a rempli un faux rapport et [traduction] « torturé » un militant dalit (21, 74). L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme, programme créé par la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme et l’Organisation mondiale contre la torture en 1997 (Organisation mondiale s.d.), fait état d’une affaire au cours de laquelle cinq membres de la Fondation Dalit (Dalit Foundation) ont été arrêtés et maintenus en détention au poste de police de Veeravanallur, dans le district de Tirunelveli, dans le Tamil Nadu, au moment où ils menaient enquête à propos du fait qu’un jeune dalit aurait été torturé par la police (Observatoire 25 janv. 2012, 3).

5.3 Appareil judiciaire

Selon Navsarjan, la procédure judiciaire suivie dans les poursuites contre les auteurs de crimes à l’égard des dalits est [traduction] « terriblement lente […] longue et coûteuse » (s.d.a). Le groupe de défense des droits souligne que les présumés auteurs, qui habitent souvent près des victimes, menacent fréquemment ces dernières et leurs proches lorsque des poursuites sont en instance (Navsarjan s.d.a). On peut lire dans le Nation que les crimes à l’égard des dalits sont rarement portés devant les tribunaux, mais que, le cas échéant, le prévenu est habituellement acquitté (24 août 2011). La NCDHR affirme par ailleurs que les crimes contre les dalits, y compris les meurtres, les viols, l’exploitation par le travail et les déplacements forcés, font rarement l’objet d’une poursuite (s.d.a). Elle explique également que moins d’un pour cent des personnes accusées d’avoir commis un crime contre les femmes dalits sont déclarées coupables (s.d.a).

5.3.1 Statistiques sur les cas portés devant les tribunaux

Le Bureau national des dossiers judiciaires de l’Inde fournit des statistiques sur le nombre de cas portés devant les tribunaux, ainsi que sur le nombre de déclarations de culpabilité et d’acquittements pour les crimes suivants commis à l’égard des castes répertoriées :

Crime Cas de 2010, y compris ceux qui étaient déjà en instance Cas en instance à la fin de 2010 Cas réglés à l’amiable ou retirés Déclarations de culpabilité Acquittements ou décharges
Meutre 3,012 2,387 1 303 321
Viol 5,014 4,006 12 358 638
Enlèvement 1,398 1,080 2 141 175
Vol de dacoït [vol par un gang armé] 134 113 0 4 17
Vol 317 261 1 16 39
Incendie criminel 862 722 3 49 88
Blessure 14,566 11,370 126 783 2,287
Loi sur la protection des droits civils pour les castes répertoriées 1,376 1,127 5 53 191
Loi sur la prévention des atrocités pour les castes répertoriées 40,481 31,932 143 3,225 5,181
Autres crimes contre les castes répertoriées 40,598 31,857 431 2,837 5,474
Total 107,758 84,855 724 7,769 14,411

(Inde 2010, 430)

Sur les 22 180 crimes commis contre des castes répertoriées qui ont été portés devant les tribunaux en 2010, le taux de déclaration de culpabilité était de 35 p. 100; ce taux variait de 3,9 p. 100 dans le Maharashtra à 64,5 p. 100 dans l’Uttar Pradesh (ibid., 431). À la fin de 2010, 78,7 p. 100 du nombre total de cas étaient toujours en instance (ibid.).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Références

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Autres sources consultées

Internet sites, y compris : Asian Human Rights Commission, Christian Solidarity Worldwide, ecoi.net, Human Rights Watch, India National Human Rights Commission, International Crisis Group, Minority Rights Group International, Nations Unies — Refworld.

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